by Marc Yor
May 2011 |
À Albert Camus (1913–1960) qui nous a apporté son espérance, conditionnée de soleil.
Introduction
Malgré le (ou peut être à cause du) rôle des précurseurs géniaux allant de Blaise Pascal à Paul Lévy en France, les probabilités ont mis quelque temps — euphémisme! — à y être reconnues comme sous-discipline mathématique à part entière.
Au cours du dernier demi-siècle (1960–2010), il a fallu que des probabilistes éminents, à la suite — indirectement — de l’axiomatisation de Kolmogorov montrent que les (ou: la théorie des) probabilités sont inextricablement liées à la théorie de l’intégration (au sens le plus large du terme), à la théorie de potentiel, à l’analyse de Fourier, à l’analyse complexe, au calcul des variations, à la théorie des nombres…pour qu’elles trouvent enfin droit de cité dans l’Olympe mathématique. A titre d’exemple, au Congrès International des Mathématiciens de 2006, à la fois les travaux de K. Itô, et de W. Werner, se trouvent récompensés au plus haut niveau. Cette tendance a encore été confirmée au CIM 2010 à Hyderabad.
Quittons ce niveau pour revenir “à la base”. Je voudrais montrer ici, en présentant une dizaine de mes thèmes de recherche préférés, comment l’étude du mouvement brownien est entrelacée avec un certain nombre d’autres questions mathématiques. J’ai écrit cet article de façon un peu inhabituelle (en Mathématiques), espérant ainsi rendre sa lecture plus attrayante qu’une traditionnelle Notice de travaux…
0. Généralités
(0.a) Pourquoi un mathématicien travaille-t-il sur tel ou tel sujet, plutôt que sur d’autres? Chacun a sa (ou ses) réponse(s), et je voudrais donner ici les miennes.
\( (G_1) \) Pourquoi ça marche? Etant donné un résultat \( (R) \), portant disons sur le mouvement brownien, je souhaite comprendre “ce qui fait que ça marche”, autrement dit, isoler les propriétés du mouvement brownien qui servent dans la démonstration de \( (R) \).
Ceci va permettre de montrer, par exemple, que \( (R) \) est encore valable pour une certaine classe de martingales continues.
\( (G_2) \) Constructions génériques, appliquées à la trajectoire brownienne. Un processus stochastique, prenons encore le mouvement brownien, n’est — après tout — que la fonction continue générique \( (f(t),t\geq 0) \) considérée sous (ou: relativement à) la mesure de Wiener \( W(df) \) sur \( \mathcal{C}(\mathbb {R}_+,\mathbb {R}^n) \). Cette mesure confère à \( f \), presque surement, des propriétés très particulières, lesquelles permettent de considérer “génériquement” certaines constructions d’analyse ou de géométrie, valables pour une large classe de fonctions \( f \); on obtient ainsi une fonctionnelle \( Q(f) \), définie \( W(df) \) p.s., et souvent — de façon générale en théorie des probabilités — notée simplement \( Q \). On peut alors naturellement se poser la question: quelle est la loi de \( Q \) sous \( W \)? Par exemple: \( Q_1(f)=\int_0^1f^2(t)dt \), \( Q_2(f)=\sup_{t\leq1}|f(t)| \), etc…Quelle est la loi conjointe de \( (Q_1,Q_2) \) sous \( W \)? Ceci nous amène très naturellement à la généralité suivante.
\( (G_3) \) Calculs de lois. Le problème de la détermination de la loi d’une fonctionnelle du mouvement brownien m’est posé. Assez rapidement, ce problème me paraît voisin d’une ou plusieurs autres questions que j’ai déjà traitées. Toutefois, cela résiste…
Ceci va me fournir une motivation assez forte pour que je m’accroche… Peut-être, plusieurs mois, voire plusieurs années plus tard, ce problème sera-t-il résolu… C’est ainsi que je me suis intéressé au problème des options asiatiques.
(0.b) D’autres chercheurs probabilistes, dont les travaux concernent également essentiellement le mouvement brownien, sont motivés de façons différentes; citons par exemple:
\( (G_4) \) Le mouvement brownien comme méthode de preuve. Donner une démonstration à l’aide du mouvement brownien de théorèmes célèbres en analyse et/ou géométrie. Ainsi, B. Davis [e21] a obtenu une belle démonstration du grand théorème de Picard à l’aide du mouvement brownien plan; K. Carne [e28] a su retrouver les théorèmes fondamentaux de la théorie de Nevanlinna sur les fonctions méromorphes à l’aide du mouvement brownien plan, et de considérations sur les martingales conformes.
Le succès de ces deux approches peut s’expliquer “globalement” par le fait que le mouvement brownien plan \( (Z_t,t \geq 0) \) est tellement récurrent que la connaissance de \( \varphi \), fonction méromorphe donnée, “équivaut” à la connaissance du processus \( (\varphi(Z_t), t\geq0) \).
De même, en géométrie, des résultats purement géométriques sur certaines variétés \( M \) ont été retrouvés en considérant le mouvement brownien à valeurs dans ces variétés \( M \); là encore, on peut dire que, en général, le mouvement brownien à valeurs dans \( M \) va visiter “tous les coins et recoins” de cette variété, et divulguer ainsi certaines informations sur la géométrie de cette variété.
Notons que ce point \( (G_4) \) fait partie d’une “philosophie” plus générale de démonstrations de résultats mathématiques à l’aide d’une approche probabiliste. Voir l’article de Bruss et Heyvaert [e61] ayant pour titre: La méthode probabiliste; voir également le livre de Alon–Erdös–Spencer [e33].
\( (G_5) \) Probabilités et Physique. Développer les problématiques étudiées par certains physiciens à l’aide des techniques d’investigation des probabilités, et en particulier du mouvement brownien. Citons, par exemple, le programme de Symanzik (1969) [e9] de théorie constructive des champs qui suggérait la connaissance et l’utilisation des points multiples du mouvement brownien plan, pour construire des champs avec interactions non linéaires. Ce programme a, immédiatement (c’est-à-dire avec publication dans le livre de Jost–Symanzik [e9]) amené S. Varadhan à prouver un profond résultat de renormalisation d’intégrales doubles du mouvement brownien plan.
Plus récemment, l’étude des exposants de non-intersection pour les “paquets” de trajectoires browniennes a été développée au départ par certains physiciens (dont B. Duplantier à Saclay) à l’aide d’arguments de gravité quantique (voir, par exemple, sur un sujet voisin, l’article de Duplantier–Sheffield [e62]), puis ces études et résultats ont ensuite été repris par des probabilistes (Lawler–Schramm–Werner) à l’aide de l’invariance conforme du mouvement brownien plan, menant à la découverte et à l’étude des SLE (\( = \) Stochastic (ou: Schramm) — Loewner — Evolution Processes); voir, de façon générale, G. Lawler [e53] pour une étude de ces processus.
(0.c) Dans cet article, je présente succinctement dix thèmes — correspondant chacun à une section de l’article — sur lesquels j’ai travaillé, et qui illustrent les généralités \( (G_i)_{i=1,2,3} \).
A la fin de la discussion de chaque thème, figurent les références “essentielles” correspondantes.
Liste des thèmes:
- Thème \( \sharp \)1 \( (\to(G_1)) \). Représentation de martingales comme intégrales stochastiques.
- Thème \( \sharp \)2 \( (\to(G_1)) \). Si on remplace un temps d’arrêt par un temps quelconque, la propriété \( (P) \) reste-t-elle satisfaite?
- Thème \( \sharp \)3 \( (\to(G_1)) \). Jusqu’où un processus peut-il ressembler au mouvement brownien, et néanmoins en être différent?
- Thème \( \sharp \)4 \( (\to(G_1)) \). Jusqu’où une filtration peut-elle ressembler à la filtration brownienne, et néanmoins en être différente?
- Thème \( \sharp \)5 \( (\to(G_1)) \). De l’équation de Tsirel’son au rôle incomplet du mécanisme d’évolution…
- Thème \( \sharp \)6 \( (\to(G_2)) \). Nombres de tours du mouvement brownien plan.
- Thème \( \sharp \)7 \( (\to(G_2)) \). Mouvement brownien et valeurs principales.
- Thème \( \sharp \)8 \( (\to(G_3)) \). Sur l’air(e) de Paul Lévy, des fonctionnelles quadratiques du mouvement brownien, et des identités de Ciesielski–Taylor.
- Thème \( \sharp \)9 \( (\to(G_2)) \). Filtration des ponts browniens, et effeuillage (ou épluchage) du mouvement Brownien.
- Thème \( \sharp \)10 \( (\to(G_3)) \). Moyenne arithmétique du mouvement brownien géométrique; options asiatiques; extensions exponentielles des théorèmes de Lévy et Pitman.
(Note: Remarquons que, pour ces 10 thèmes, 5 relèvent de \( (G_1) \), 3 de \( (G_2) \), et 2 de \( (G_3) \).)
Références pour cette section
Euclidean quantum field theory,” pp. 152–219 in Local quantum theory: Course XLV of Proceedings of the International School of Physics Enrico Fermi (Varenna, Italy, 1968). Edited by R. Jost. Academic (New York), 1969. incollection
: “Brownian motion and analytic functions,” Ann. Probab. 7 : 6 (1979), pp. 913–932. MR 548889 Zbl 0421.60072 article
: “Brownian motion and Nevanlinna theory,” Proc. London Math. Soc. (3) 52 : 2 (1986), pp. 349–368. MR 818930 Zbl 0562.60079 article
: “The probabilistic method. Wiley-Interscience Series in Discrete Mathematics and Optimization. Wiley (New York), 1992. With an appendix by Paul Erdős. MR 1140703 Zbl 0793.05076 book
:Conformally invariant processes in the plane. Mathematical Surveys and Monographs 114. American Mathematical Society (Providence, RI), 2005. MR 2129588 Zbl 1074.60002 book
:La méthode probabiliste,” Gaz. Math. 124 (2010), pp. 15–29. MR 2665960 Zbl 1222.60011 article
: “Liouville quantum gravity and KPZ,” Invent. Math. 185 : 2 (2011), pp. 333–393. MR 2819163 Zbl 1226.81241 article
: “1. Thème \( \sharp \)1 \( (\to(G_1)) \). Représentation de martingales comme intégrales stochastiques
(1.a) C’est un résultat classique — et important — dû à Itô que toute martingale \( (M_t) \) par rapport à la filtration naturelle \( (\mathcal{F}_t) \) du mouvement brownien \( (B_t) \) peut se représenter comme: \[ M_t=c+\int_0^tm_sdB_s, \] où \( (m_s,s\geq0) \) est un processus \( (\mathcal{F}_s) \) prévisible.
Une démonstration “standard” de ce résultat consiste à obtenir la représentation comme intégrale stochastique pour les martingales exponentielles: \[ \mathcal{E}^f_t=\exp\biggl( \int_0^tf(s)dB_s-\frac{1}{2}\int_0^tf^2(s)\,ds \biggr), \] pour \( f\in L^2_\textrm{loc}(\mathbb R_+;ds) \). On obtient grâce à la formule d’Itô: \[\mathcal{E}_t^f=1+\int_0^t\mathcal{E}_s^ff(s)dB_s.\] Ensuite, on utilise un argument de densité de l’espace vectoriel engendré par ces martingales.
(1.b) C’est ensuite Dellacherie [e14] qui remarque que la loi \( W \) — la mesure de Wiener — est extrêmale parmi les lois de martingales, et que cette propriété permet de démontrer la propriété de représentation des martingales browniennes. Dellacherie indique également que son argument vaut aussi pour la loi du processus de Poisson recentré (on dit souvent: compensé).
(1.c) Ensuite, Ch. Yoeurp, J. Jacod ([e20], [e17]) et moi-même (Thèse; 1976) apportons chacun des résultats partiels à cette question, pour, finalement, aboutir au résultat suivant.
L’argument clé est le fait que l’espace dual de \( H^1(P) \) soit \( \mathrm{BMO}(P) \), et que toute martingale de \( \mathrm{BMO}(P) \) soit localement bornée.
(1.d) Une approche sans filtration.
Il me semble me souvenir, qu’après avoir raconté le théorème 1.1
à G. Mokobodzki, il m’avait signalé que le théorème
suivant, qu’il attribuait à R. Douglas
[e8]
lui semblait
apparenté à ce théorème 1.1.
En fait, bien avant Douglas, ce théorème avait déjà été obtenu par Naïmark [e1]. Là encore, le point clé est que le dual de \( L^1(P) \) est \( L^\infty(P) \).
On peut réduire la démonstration du théorème 1.1 à celle du théorème 1.2 en prenant pour \( f_i \) dans le cadre du théorème 1.1 les variables: \[1_{\Gamma_s}(X_t-X_s)\] pour \( \Gamma_s\in\mathcal{F}_s \), et \( s < t \), et \( c_i=0 \).
G. Mokobodzki m’a ensuite aidé à montrer comment passer d’une convergence dans \( L^1 \) pour une suite à une convergence dans \( H^1 \) pour une sous-suite, ce qui m’a permis de donner en [2] une autre démonstration du théorème 1.1 ci-dessus.
Références pour cette section
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: “On extremal measures and subspace density, II,” Proc. Amer. Math. Soc. 17 (1966), pp. 1363–1365. MR 205053 Zbl 0171.34302 article
: “Intégrales stochastiques par rapport aux processus de Wiener ou de Poisson,” pp. 25–26 in Séminaire de Probabilités, VIII (Univ. Strasbourg, année universitaire 1972–1973). Edited by C. Dellacherie, P. Meyer, and M. Weil. Lecture Notes in Math. 381. Springer (Berlin), 1974. MR 370755 Zbl 0302.60049 incollection
: “A general theorem of representation for martingales,” pp. 37–53 in Probability: Proc. Sympos. Pure Math., XXXI (Univ. Illinois, Urbana, Ill., 1976). Edited by J. L. Doob. Amer. Math. Soc. (Providence, RI), 1977. MR 443074 Zbl 0362.60068 inproceedings
: “Étude des solutions extrémales et représentation intégrale des solutions pour certains problèmes de martingales” [A study of extremal solution and integral representation of solutions for certain martingale problems], Z. Wahrscheinlichkeitstheor. Verw. Geb. 38 : 2 (June 1977), pp. 83–125. A brief piece with the same title was earlier published in C. R. Acad. Sci., Paris, Sér. A 283 (1976). MR 445604 Zbl 0346.60032 article
: “Sous-espaces denses dans \( L^1 \) ou \( H^1 \) et représentation des martingales” [Dense subspaces in \( L^1 \) or \( H^1 \) and representation of martingales], pp. 265–309 in Séminaire de probabilités XII [Twelfth probability seminar]. Edited by C. Dellacherie, P. A. Meyer, and M. Weil. Lecture Notes in Mathematics 649. Springer (Berlin), 1978. With an appendix by the author and J. de Sam Lazaro. MR 520008 Zbl 0391.60046 incollection
: “Calcul stochastique et problèmes de martingales. Lecture Notes in Mathematics 714. Springer, 1979. MR 542115 Zbl 0414.60053 book
:2. Thème \( \sharp \)2 \( (\to(G_1)) \). Si on remplace un temps d’arrêt par un temps quelconque, la propriété \( (P) \) reste-t-elle satisfaite?
(2.a) Je donne tout d’abord deux exemples de propriété \( (P) \) pour lesquelles je me suis posé la question ci-dessus:
\( (P1) \) D’après Burkholder–Davis–Gundy, pour tout \( p > 0 \), il existe deux constantes universelles \( 0 < c_p < C_p < \infty \) telles que: pour tout temps d’arrêt \( T \) de la filtration naturelle de \( (B_t) \) (plus généralement, de toute filtration \( (\mathcal{F}_t) \) pour laquelle \( (B_t) \) est un \( (\mathcal{F}_t) \) mouvement brownien) on ait: \[c_pE[(T)^{p/2}]\leq E(\sup_{s\leq T}|B_s|^p)\leq C_pE[(T)^{p/2}].\]
\( (P2) \) Si l’on arrête le \( (\mathcal{F}_t) \)-mouvement brownien \( (B_t) \) en un temps d’arrêt \( T \) de la filtration \( (\mathcal{F}_t) \), alors \( (B_{t\wedge T})_{ t\geq0} \) reste une martingale.
Remarque importante: la représentation de Dubbins–Schwarz de toute martingale locale continue \( (M_t, t\geq~0) \) comme: \( (B_{\langle M\rangle_t}, t\geq0) \), avec \( B \) mouvement brownien, permet de formuler \( (P1) \) de façon apparemment plus générale, \( T \) étant maintenant remplacée par \( \langle M\rangle_\infty \) et \( \sup_{t\leq T}|B_t| \) par \( \sup|M_t| \); de même pour \( (P2) \), remplacer \( (B_{t\wedge T}) \) par \( (M_{t\wedge S}) \) pour tout temps d’arrêt \( S \).
(2.b) Que deviennent \( (P1) \) et \( (P2) \) lorsque l’on remplace \( T \) par un temps quelconque \( L \), c’est-à-dire une variable aléatoire positive, mesurable seulement par rapport à \( \mathcal{F}_\infty \)?
(2.b.1) On peut montrer, en toute généralité, que \( (B_{t\wedge L})_{ t\geq0} \) reste une semimartingale dans la plus petite filtration, souvent notée \( (\mathcal{F}^L_t)_{ t\geq0} \), qui contienne \( (\mathcal{F}_t)_{ t\geq0} \), et fasse de \( L \) un temps d’arrêt.
Par contre, \( (B_t,t\geq0) \) n’est pas en général une \( (\mathcal{F}^L_t) \) semimartingale. Pour qu’il en soit ainsi, il est suffisant que \( L \) soit la fin d’un ensemble prévisible \( \Gamma \), i.e: \[L=\sup\{t\geq0:(t,\omega)\in\Gamma\}.\]
(2.b.2) On peut exprimer la décomposition canonique de \( (B_{t\wedge L})_{ t\geq0} \) dans la filtration \( (\mathcal{F}^L_t)_{ t\geq0} \) (cf. Récapitulatif de [11]).
Si \( Z_t^L\overset{\textrm{def}}{=} P(L > t\mid \mathcal{F}_t) \) (: version continue à droite), et \( (M_t^L) \) désigne l’unique martingale de \( \mathrm{BMO}((\mathcal{F}_t)) \) telle que: \[E[X_L]=E[X_\infty M_\infty^L],\] pour toute martingale bornée \( X \), alors, si \( (Y_t, t\geq0) \) est une \( (\mathcal{F}_t) \) martingale locale, \[Y_{t\wedge L}-\int_0^{t\wedge L}\frac{d\langle Y,M^L\rangle_s}{Z^L_{s-}}\] est une \( (\mathcal{F}_t^L) \) martingale locale.
(2.b.3) Dans le cas particulier où \( L \) est la fin d’un ensemble \( (\mathcal{F}_t) \) prévisible \( \Gamma \), on peut exprimer la décomposition de \( (B_t) \) comme semimartingale dans \( (\mathcal{F}^L_t) \): précisément, si l’on pose (à nouveau): \[Z_t\equiv Z_t^L=P(L > t\mid \mathcal{F}_t),\] on a: \[B_t=\beta_t+\int_0^{t\wedge L}\frac{d\langle B,Z\rangle_s}{Z_s}+\int_L^t\frac{d\langle B,1-Z\rangle_s}{1-Z_s},\] où \( (\beta_t, t\geq0) \) est un \( (\mathcal{F}_t^L) \) mouvement brownien.
(2.b.4) A l’aide de la décomposition de \( (B_{t\wedge L}) \) présentée en (2.b.2), on peut maintenant préciser comment \( (P1) \) peut être modifiée.
Si \( L \) est un temps aléatoire, on lui associe, comme ci-dessus: \[Z_t\equiv Z_t^L=P(L > t\mid \mathcal{F}_t)\quad\textrm{(version continue à droite)}\] et la quantité \( I_L=\inf_{s < L}Z_s \), qui vérifie: \begin{gather} \tag{2.1} \label{eq2.1} \textrm{pour tout }b\in]0,1[,\quad P(I_L < b)\leq P(U\leq b)\equiv b, \\ \textrm{avec égalité lorsque }P(L=T)=0,\quad \textrm{pour tout }(\mathcal{F}_t) \textrm{ temps d’arrêt }T,\nonumber\\ U\textrm{ désigne une variable uniforme sur }[0,1].\nonumber \end{gather}
Alors, les inégalités de BDG (que je considère ici seulement pour \( p=1 \), pour simplifier la présentation) peuvent être étendues comme suit: \begin{eqnarray*} E[\sup_{t\leq L}|B_t|] &\underset{(1)}{\leq}& \mathcal{C}E\biggl[\sqrt{L}\biggl( 1+\log\frac{1}{I_L}\biggr)^{\!\!1/2}\biggr] \\ &\underset{(2)}{\leq}& \mathcal{C}\|\sqrt{L}\|_\phi\biggl\|\biggl( 1+\log\frac{1}{U}\biggr)^{\!\!1/2}\biggr\|_\psi \\ \end{eqnarray*} et \begin{eqnarray*} E[\sqrt{L}] &\underset{(3)}{\leq}& \mathcal{C}E\biggl[(\sup_{t\leq L}|B_t|)\biggl( 1+\log\frac{1}{I_L}\biggr)^{\!\!1/2}\biggr] \\ &\underset{(4)}{\leq}& \mathcal{C}\|\sup_{t\leq L}|B_t|\|_\phi\biggl\|\biggl(1+\log\frac{1}{U}\biggr)^{1/2}\biggr\|_\psi. \end{eqnarray*}
Dans les inégalités ci-dessus, \( \mathcal{C} \) désigne une constante universelle, qui varie de ligne en ligne. Remarquons que les inégalités (1) et (3), lorsque \( L \) est un \( (\mathcal{F}_t) \) temps d’arrêt sont précisément les inégalités de BDG pour \( p=1 \), puisque alors: \( I_L\equiv 1 \), et donc: \( \log(1/I_L)=0 \).
Les inégalités (2) et (4), dans lesquelles figurent un couple de fonctions de Young conjuguées \( (\phi,\psi) \) sont obtenues, à partir de (1) et (3) par application de l’inégalité de Hölder généralisée, et de la domination stochastique de \( (1/I_L) \) par \( 1/U \), énoncée ci-dessus en \eqref{eq2.1}.
(2.b.5) Soulignons quelques conséquences des résultats précédents:
- On peut remplacer le mouvement brownien \( (B_t, t\geq0) \) par toute martingale locale \( (M_t, t\geq0) \), et \( \sqrt{t} \) par \( \sqrt{\langle M\rangle_t} \) grâce à la représentation de Dubins–Schwarz: \( M_t=B_{\langle M\rangle_t}, t\geq0 \).
- Bien que les inégalités de BDG, valables pour toute martingale locale continue arrêtée en un temps d’arrêt \( T \), ne s’étendent pas (tout au moins, de façon “immédiate”) lorsque \( T \) est remplacé par un temps quelconque \( L \), une telle extension est “presque” valable, au sens où, pour tout \( p > 0 \), et tout \( \varepsilon > 0 \), il existe une constante \( C_{p,\varepsilon} \) telle que: \begin{equation}\label{eq2.2} \tag{2.2} \bigl\|\sup_{t\leq L}|M_t|\bigr\|_p\leq C_{p,\varepsilon}\bigl\|\sqrt{\langle M\rangle_L}\bigr\|_{p+\varepsilon} \end{equation} ainsi que: \begin{equation}\label{eq2.3} \tag{2.3} \bigl\|\sqrt{\langle M\rangle_L}\bigr\|_p\leq C_{p,\varepsilon}\bigl\|\sup_{t\leq L}|M_t|\bigr\|_{p+\varepsilon}. \end{equation}
Ces inégalités découlent aisément des (variantes des) inégalités (2) et (4) présentées en (2.b.4), et appliquées avec des fonctions puissance \( \psi \).
En [8], et [12], Bismut et Yor, puis Barlow, Jacka et Yor, montrent qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des arguments de grossissement de filtration pour obtenir \eqref{eq2.2} et \eqref{eq2.3}, mais, que l’on peut, peut être de façon plus directe, appliquer le critère de Kolmogorov “bien compris”, ou de façon plus raffinée, les inégalités de Garsia–Rodemich–Rumsey. Voir Stroock–Varadhan [e19] pour l’exposé de ces inégalités, et de certaines de leurs conséquences.
Références pour cette section
Multidimensional diffusion processes. Grundlehren der Mathematischen Wissenschaften 233. Springer (Berlin), 1979. MR 532498 Zbl 0426.60069 book
:Semi-martingales et grossissement d’une filtration. Lecture Notes in Mathematics 833. Springer (Berlin), 1980. MR 604176 Zbl 0444.60002 book
:An inequality for processes which satisfy Kolmogorov’s continuity criterion: Application to continuous martingales,” J. Funct. Anal. 51 : 2 (1983), pp. 166–173. MR 701054 Zbl 0524.60020 article
: “Grossissements de filtrations: Exemples et applications [Enlargements of filtrations: Examples and applications] (Paris, 1982–1983). Edited by T. Jeulin and M. Yor. Lecture Notes in Mathematics 1118. Springer (Berlin), 1985. Proceedings of a seminar on stochastic calculus. MR 884713 Zbl 0547.00034 book
Inequalities for a pair of processes stopped at a random time,” Proc. Lond. Math. Soc. (3) 52 : 1 (1986), pp. 142–172. MR 812449 Zbl 0585.60055 article
: “Random times and enlargements of filtrations in a Brownian setting. Lecture Notes in Mathematics 1873. Springer (Berlin), 2006. MR 2200733 Zbl 1103.60003 book
:3. Thème \( \sharp \)3 \( (\to(G_1)) \). Jusqu’où un processus peut-il ressembler au mouvement brownien, et néanmoins en être différent?
(3.a) De façon assez étonnante (?), on peut aller très loin dans la construction d’avatars du mouvement brownien, qui lui soient néanmoins différents. Je vais en donner plusieurs exemples.
(3.b) H. Föllmer, C.T. Wu et moi-même avons montré en
[34]
que, pour n’importe quel entier \( k\in\mathbb{N} \), il existe une loi (en fait, une infinité de lois) de probabilité \( \widetilde{W} \) sur
\( C([0,1];\mathbb R) \), équivalente à la mesure de Wiener \( W \) telle que sous \( \widetilde{W} \), le processus canonique \( (X_t,t\leq1) \) ait mêmes marginales de rang \( k \) que sous \( W \); c’est-à-dire, pour tous \( 0\leq t_1\leq
t_2\leq\dots\leq t_k\leq1 \), la loi de \( (X_{t_1},\dots,X_{t_k}) \) sous
\( \widetilde{W} \) est la même que celle du vecteur
\( (B_{t_1},\dots,B_{t_k}) \) relatif au mouvement brownien \( B \). Le
travail
[34]
répondait à la question de
Stoyanov
[e47]
(p. 316), qui posait la question pour \( k=4 \).
(3.c) Puisque \( \widetilde{W} \) est équivalente à \( W \), le
processus \( (X_t,t\leq1) \) n’est pas une martingale sous
\( \widetilde{W} \). On peut néanmoins se poser la question suivante:
existe-t-il une martingale continue qui admette les marginales de
rang 1 du mouvement brownien? La réponse est: Oui, ainsi
que cela a été démontré par Albin
[e56]
récemment, en
s’appuyant sur la formule de duplication de la fonction \( \Gamma \),
qui mène à certaines factorisations d’une variable gaussienne,
i.e:
\[
N\overset{\textrm{(loi)}}{=}X_1X_2Y,\]
avec \( X_1,X_2 \) iid, et \( Y \) indépendante de \( (X_1,X_2) \).
Voir également Baker, Donati–Martin, Yor [47] qui utilisent la formule de multiplication de la fonction \( \Gamma \), et développent ainsi la méthode de Albin en exploitant: \[ N\overset{\textrm{(loi)}}{=}X_1\dots X_{n+1}Y_n,\] avec \( X_1,\dots,X_{n+1} \), iid, indépendantes de \( Y_n \).
Il existe aussi des martingales discontinues qui admettent les marginales de rang 1 du mouvement brownien. Voir, par exemple, Madan–Yor [37].
(3.d) Plus généralement (que dans la dernière phrase ci-dessus), si un processus \( (\pi_t, t\geq0) \) admet les mêmes marginales de rang 1 qu’une martingale, alors: \( (\pi_t, t\geq0) \) est croissant pour l’ordre convexe. La réciproque est également vraie et est due à H. Kellerer [e11], à la suite des travaux de Strassen, Doob, Meyer…
Une étude systématique de ces processus \( (\pi_t, t\geq0) \), et des martingales associées est faite en [48]; cette étude montre — essentiellement à l’aide d’exemples — combien la connaissance des marginales de rang 1 d’un processus renseigne peu sur la loi “complète” de ce processus.
Références pour cette section
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: “Peacocks and associated martingales, with explicit constructions. Bocconi & Springer Series 3. Springer (New York), 2011. MR 2808243 Zbl 1227.60001 book
:4. Thème \( \sharp \)4 \( (\to(G_1)) \). Jusqu’où une filtration peut-elle ressembler à la filtration brownienne, et néanmoins en être différente?
(4.a) L’école probabiliste de Strasbourg a mis l’accent, de façon extrêmement appuyée, sur les propriétés de la filtration, ou des filtrations, de référence, avec lesquelles on travaille dans un contexte donné. Ainsi, à un processus \( (Y_s,s\geq0) \) donné (par sa loi, par exemple), on associe sa filtration naturelle \( (\mathcal{Y}_s,s\geq0) \); il s’agit là d’un invariant assez simple: deux processus \( (Y_s,s\geq0) \) et \( (Z_s,s\geq0) \) peuvent être assez différents et néanmoins avoir même filtration naturelle…
(4.b) Pour un chercheur en Probabilités qui travaille essentiellement sur le mouvement brownien, la question suivante se pose alors, de façon naturelle: si \( (\mathcal{F}_s,s\geq0) \) est une filtration donnée sur un espace de probabilité, est-elle la filtration naturelle d’un mouvement brownien? On dira alors que cette filtration est une filtration brownienne forte (FBF).
(4.c) Filtration brownienne faible (FBf).
On dira qu’une filtration \( (\mathcal{F}_t) \) sur un espace de probabilité
est une FBf s’il existe un \( (\mathcal{F}_t) \) mouvement brownien
\( (\beta_t, t\geq0) \) tel que toute \( (\mathcal{F}_t) \) martingale
\( (M_t,t\geq0) \) puisse s’écrire comme:
\[M_t=c+\int_0^tm_sd\beta_s,\quad t\geq0,\]
où \( (m_s,s\geq0) \) est un
certain processus (\( \mathcal{F}_s \)) prévisible.
Bien sûr, on ne demande pas que la filtration naturelle de \( \beta \) soit égale à \( (\mathcal{F}_t) \), auquel cas \( (\mathcal{F}_t) \) serait une FBF.
(4.d) Quelques exemples de (FBf).
(4.d.1) La filtration naturelle du processus des coordonnées sur l’espace canonique \( \mathcal{C}(\mathbb R_+,\mathbb R) \), sous toute probabilité \( Q \) (localement) équivalente à la mesure de Wiener \( W \). Pour la preuve détaillée de ce résultat, voir [51].
(4.d.2) La filtration \( (\mathcal{B}_{\tau_t})_{ t\geq0} \), obtenue par changement de temps \( (\tau_t, t\geq0) \), continu, strictement croissant, bijectif de \( \mathbb R_+ \) sur lui-même, à partir de la filtration brownienne \( (\mathcal{B}_u,u\geq0) \).
(4.d.3) La filtration naturelle de l’araignée brownienne \( (\mathcal{A}_t, t\geq0) \) à \( N \) branches, c’est-à-dire un processus qui évolue sur l’union de \( N \) 1/2-droites concourantes en un point 0, qui se comporte comme un mouvement brownien sur chaque branche hors de 0, et qui choisit sa branche avec, disons, probabilité \( (1/N) \) lorsqu’elle arrive en 0 (plus généralement, ce choix des branches peut être fait avec la probabilité \( (p_1,\dots,p_N) \) sur \( \{1,2,\dots,N\} \)). Cette description, dûe à J. Walsh [e18], est très informelle, mais peut-être rendue tout à fait rigoureuse (cf. Barlow–Pitman–Yor [18]).
(4.e) B. Tsirel’son [e45] a établi que pour tout \( N\geq3 \), la filtration \( (\mathcal{A}_t, t\geq0) \) de l’araignée brownienne à \( N \) branches est faible, et n’est pas forte. Ce résultat avait été conjecturé — mais pas établi! — en [18].
(4.f) On peut — a posteriori — comprendre assez simplement pourquoi, pour \( N\geq3 \), cette filtration \( (\mathcal{A}_t)_{ t\geq0} \) est faible, et pas forte: en effet, une conjecture de M. Barlow rappelée en [18], bien avant la publication [e45] de Tsirel’son, était que si \( (\mathcal{F}_t) \) est une \( FBF \), et si \( L \) est la fin d’un ensemble \( (\mathcal{F}_t) \) prévisible, alors \( \mathcal{F}_{L^+} \) le futur immédiat jusqu’en (ou juste après) \( L \), ne peut différer du passé strict \( \mathcal{F}_{L^-} \), avant \( L \), que par l’adjonction d’un ensemble, au plus. Or, pour \( (\mathcal{A}^N_t) \), avec \( N\geq3 \), et \( L\equiv g=\sup\{s\leq1;A_s=0\} \), il faut adjoindre à \( (\mathcal{A}^N_{g-}) \) les ensembles: \( \{A_1\in I_1\} \), \( \{A_1\in I_2\} \), \( \{A_1\in I_{n-1}\} \) pour obtenir \( (\mathcal{A}^N_{g+}) \). D’autre part, les arguments développés par Tsirel’son en [e45], convenablement simplifiés et généralisés en [30] établissent la validité de la conjecture de Barlow. En conséquence, pour \( N\geq3 \), \( (\mathcal{A}^N_t) \) est une \( FBf \).
Par ailleurs, les auteurs de [e41] ont montré qu’il existe une infinité de lois de probabilité \( Q \), équivalentes à \( W \), telles que sous \( Q \), la filtration naturelle du processus des coordonnées est faible, et pas forte.
De même, il a été montré en [e49] qu’il existe une infinité de changements de temps \( (\tau_t) \) tels que ceux décrits en (4.d.2) pour lesquels \( (\mathcal{B}_{\tau_t}) \) est faible, et pas forte.
(4.g) D’autres exemples de filtrations browniennes faibles, et pas fortes. Voir [e41].
Références pour cette section
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: “Brownian filtrations are not stable under equivalent time-changes,” pp. 267–276 in Séminaire de Probabilités, XXXIII. Edited by J. Azéma, M. Émery, M. Ledoux, and M. Yor. Lecture Notes in Mathematics 1709. Springer (Berlin), 1999. MR 1768000 Zbl 0949.60087 incollection
: “On weak and strong Brownian filtrations: Definitions and examples,” pp. 115–121 in Self-similar processes and their applications (Angers, France, 20–24 July 2009). Edited by L. Chaumont, P. Graczyk, and L. Vostrikova. Séminaires et Congrès 28. Société Mathématique de France (Paris), 2013. MR 3203521 Zbl 1311.60090 incollection
: “5. Thème \( \sharp \)5 \( (\to(G_1)) \). De l’équation de Tsirel’son au rôle incomplet du mécanisme d’évolution…
(On pourrait ajouter comme sous-titre — à ne pas prendre trop au sérieux! — à ce thème: Du processus “bang bang” au Big Bang…)
Parmi les thèmes sur lesquels j’ai travaillé, c’est — avec l’étude des nombres de tours du mouvement brownien plan — celui qui me fascine le plus. A chaque fois que j’y réfléchis à nouveau, je trouve toujours les résultats clés aussi paradoxaux, et ouvrant la voie à des réflexions philosophiques. En effet, ce thème révèle des propriétés extrêmement surprenantes (“mind-boggling” a écrit D. Williams!) Voici ce dont il s’agit.
(5.a) L’équation de Tsirel’son.
L’un des objectifs d’Itô, en construisant l’intégrale stochastique, disons,
pour simplifier, d’un processus prévisible \( (H_s) \) par rapport à
un mouvement Brownien \( (B_s) \):
\[\int_0^tH_sdB_s,t\geq0,\quad \textrm{lorsque: pour tout }t < \infty\quad \int_0^tH^2_s\,ds < \infty,Pp.s.,\]
était de développer l’étude des équations différentielles stochastiques:
\begin{equation}\label{eq22.1}
\tag{5.1}
X_t=x+\int_0^t\sigma(X_s)dB_s+\int_0^tb(X_s)\,ds.
\end{equation}
En effet, Itô a montré:
- d’une part, que l’argument du point fixe de Picard pour les équations différentielles ordinaires à coefficients lipschitziens s’applique, mutatis mutandis lorsque \( \sigma \) et \( b \) sont lipschitziens;
- d’autre part, et en conséquence, que \eqref{eq22.1}
permet de construire un processus de diffusion de coefficients
\( \sigma \) et \( b \), sous cette condition de Lipschitz.
Il a fallu attendre les années 70 pour s’apercevoir que la présence du mouvement brownien en \eqref{eq22.1} permettait d’obtenir existence et unicité des solutions, lorsque, par exemple, \( \sigma\equiv1 \), et \( b \) est seulement borélienne bornée. Ce résultat est dû à Zvonkin (1974); par exemple, lorsque \( b(x)=-\lambda\operatorname{sgn}(x) \), avec \( \lambda > 0 \), on obtient ainsi le processus dit “bang-bang” de paramètre \( \lambda \), rappelé vers l’origine dès qu’il s’en éloigne.
De plus, même dans cette situation “irrégulière”, le processus solution de: \begin{equation}\label{eq22.2} \tag{5.2} X_t=x+B_t+\int_0^tb(X_s)\,ds \end{equation} est obtenu de façon mesurable et adaptée comme fonction de \( B \), (on dit que \( (X_t) \) est solution forte) au sens où: \[X_t=F_x(B_s;s\leq t),\quad t\geq0,\] avec \( (F_x) \) famille mesurable en \( x \) de fonctionnelles définies sur \( C([0,t];\mathbb R) \).
La question a ensuite été posée, par
A. Shiryaev, de savoir si cette propriété de solution forte
demeurait vraie lorsque en \eqref{eq22.2},
la fonction \( b(x) \), ou
plutôt le processus \( b(X_s) \), est remplacé, en toute généralité,
par une fonctionnelle bornée
\[\beta(X_u;u\leq s).\]
Très rapidement, B. Tsirel’son a apporté un contre-exemple avec la fonctionnelle: \begin{eqnarray} \beta(X_u;u\leq s) &=& T(X_u;u\leq s)\nonumber \\ \tag{5.3} &=& \sum_{k\in-\mathbb{N}}\biggl\{\frac{X_{t_k}-X_{t_{k-1}}}{t_k-t_{k-1}}\biggr\}1_{]t_k,t_{k+1}]}(s), \label{eq22.3} \end{eqnarray} où \( {x} \) désigne la partie fractionnaire de \( x \) et \( t_k\downarrow0 \) lorsque \( k\downarrow-\infty \).
Le théorème 5.1 ci-dessous exprime précisément que \( X \) ne peut être construit en fonction de \( B \) seulement.
Ce résultat m’ayant extrêmement intrigué, j’ai cherché à comprendre quelles propriétés du mouvement brownien étaient réellement en jeu. En fait, relativement peu! On se rend vite compte que pour comprendre l’équation de Tsirel’son: \begin{equation} \label{eq22.4} \tag{5.4} X_t=B_t+\int_0^tT(X_u;u\leq s)\,ds \end{equation} il suffit d’en comprendre son squelette discret: \begin{equation}\label{eq22.5} \tag{5.5} \frac{X_{t_{k+1}}-X_{t_k}}{t_{k+1}-t_k}=\frac{B_{t_{k+1}}-B_{t_k}}{(t_{k+1}-t_k)}+\biggl\{\frac{X_{t_k}-X_{t_{k-1}}}{t_k-t_{k-1}}\biggr\}, \end{equation} et il est donc naturel d’étudier les propriétés de l’équation: \begin{equation}\label{eq22.6} \tag{5.6} \eta_{k+1}=\xi_{k+1}+\{\eta_k\},\quad k\in-\mathbb{N}, \end{equation} où les variables \( {(\xi_k)}_{k\in-\mathbb{N}} \) sont indépendantes, et de loi donnée pour tout \( k \) (pas nécessairement la même loi). Les propriétés de cette équation, indexée par \( -\mathbb{N} \), sont décrites dans le théorème 5.2.
(5.b) Énoncés des théorèmes 5.1 et 5.2.
- Une conséquence simple (et amusante…) du théorème 5.1 est que le processus \( \widehat{X}_t=E(X_t\mid \mathcal{B}) \) où \( \mathcal{B} \) désigne la tribu globale engendrée par le mouvement brownien \( B \) satisfait: \[\widehat{X}_t=B_t+(t/2),\] en tout cas pour tout \( t\leq t_0 \).
- En relation avec les discussions du Thème 4, la filtration naturelle de l’unique solution — en loi — de \eqref{eq22.4}, bien que différente de celle de \( B \) (elle contient strictement la filtration naturelle de \( B \)), est néanmoins une \( FBF \) ainsi que ceci a été démontré par Emery et Schachermayer.
Pour présenter les différents cas possibles concernant l’équation \eqref{eq22.6}, il nous faut introduire les notations et préliminaires suivants.
Notons \( \mu_k \) la loi de \( \xi_k \), pour \( k\in -\mathbb{N} \), et \( \mu=(\mu_k)_{k\in -\mathbb{N}} \). Introduisons le sous ensemble de \( \mathbb{Z} \): \[\mathbb{Z}_\mu=\biggl\{p\in\mathbb{Z}\textrm{; il existe }k \textrm{ tel que: }\Pi_{j\leq k}\biggl|\int\exp(2i\pi px)\mu_j(dx)\biggr| > 0\biggr\}.\] D’après [24], \( \mathbb{Z}_\mu \) est un sous groupe de \( \mathbb{Z} \), et il existe donc un unique entier \( p_\mu\geq0 \) tel que: \( \mathbb{Z}_\mu=p_\mu\mathbb{Z} \).
- \( p_\mu=0 \). L’équation \eqref{eq22.6} jouit de l’unicité en loi; de plus, \( \mathcal{F}^\eta_{-\infty} \) est triviale; pour tout \( k \), \( \{\eta_k\} \) est uniforme sur \( [0,1] \) et indépendante de \( \mathcal{F}_k^\xi \); pour tout \( k \), \( \mathcal{F}_k^\xi=\sigma(\{\eta_k\})\vee\mathcal{F}_k^\xi \).
- \( p_\mu=1 \). L’équation \eqref{eq22.6} admet une solution forte pour laquelle \( \mathcal{F}^\eta_{-\infty} \) est triviale. en toute généralité, dans ce second cas, \( \mathcal{F}_k^\eta=\mathcal{F}_{-\infty}^\eta\vee\mathcal{F}_k^\xi \), pour tout \( k\in -\mathbb{N} \).
- \( p_\mu\geq2 \). L’équation \eqref{eq22.6} n’admet pas de solution forte, et ne jouit pas de l’unicité en loi.
(5.c) Développements du thème, relations avec le thème 4.
D’après le théorème 5.1 l’équation \eqref{eq22.4}
jouit de l’unicité en loi, mais la filtration naturelle de \( B \) est
strictement contenue dans celle de \( X \). En utilisant la terminologie
du Thème 4, la filtration de \( X \) est une filtration brownienne faible (\( FBf \)).
Toutefois, Emery et Schachermayer [e50] ont montré que c’est une \( FBF \): il existe un mouvement brownien \( \widetilde{B} \) qui engendre précisément la filtration de \( X \).
(5.d) Résolution et discussion des équations
\eqref{eq22.4} et \eqref{eq22.6}.
(5.d.1) Résolvons tout d’abord l’équation \eqref{eq22.4}, en commençant par \eqref{eq22.5}. Posons: \[\mathcal{N}_k=\biggl\{\frac{X_{t_k}-X_{t_{k-1}}}{t_k-t_{k-1}}\biggr\}\quad\text{et}\quad\xi_k=\frac{B_{t_k}-B_{t_{k-1}}}{t_k-t_{k-1}}.\] On voit, d’après \eqref{eq22.5}, que l’on a: \begin{equation}\label{eq5.7} \tag{5.7} \exp(2i\pi\mathcal{N}_{k+1})=\exp(2i\pi\xi_{k+1})\exp(2i\pi\mathcal{N}_k) \end{equation} qui est une équation (de récurrence) sur le tore.
Il n’est pas difficile de montrer que: pour tout \( p\in\mathbb{Z} \setminus \{0\} \), \[E[\exp(2i\pi p\mathcal{N}_k)]=0,\] puis de renforcer ce résultat en: \begin{equation}\label{eq5.8} \tag{5.8} E[\exp(2i\pi p\mathcal{N}_k)|\mathcal{B}]=0, \end{equation} où \( \mathcal{B} \) désigne la tribu (globale) engendrée par le mouvement brownien. Ainsi, d’après \eqref{eq5.8}, \( \mathcal{N}_k \) est uniformément distribuée sur \( [0,1] \), et indépendante de \( \mathcal{B} \).
(5.d.2) Discutons maintenant de l’équation \eqref{eq22.6}, ce qui revient à démontrer le théorème 5.1. Pour cela (voir [24] pour les détails), on reprend avec soin l’équation de récurrence \eqref{eq22.5}, puis selon les valeurs de \( p_\mu \), on parvient sans trop de difficultés à la discussion en 3 points (\( = \) trichotomie) du théorème 5.2.
(5.e) Etude sur un groupe compact.
En un sens,
l’équation \eqref{eq22.6} — qui représente la “squelette” de l’équation de Tsirel’son \eqref{eq22.4} — est une équation “hybride”, avec des variables prenant
leurs valeurs sur \( \mathbb R \) ou sur le tore… On s’est ramené
en \eqref{eq5.7} à une équation sur le tore, ce qui a permis finalement de
résoudre l’équation hybride \eqref{eq22.6}.
Cette remarque a amené à considérer de façon générale l’équation: \begin{equation}\label{eq5.9} \tag{5.9} \eta_{k+1}=\xi_{k+1}\eta_k,\quad k\in -\mathbb{N}, \end{equation} sur un groupe compact \( G \), où la suite \( (\xi_k)_{k\in -\mathbb{N}} \) représentant l’évolution est constituée de variables indépendantes de lois \( \mu_k \) données.
Une discussion complète de \eqref{eq5.9} a été faite en [e50] et [e55]; indiquons par exemple que toute solution de \eqref{eq5.9} peut être obtenue à partir d’une solution extrêmale \( (\eta_k^{(0)})_{k\in -\mathbb{N}} \) (parmi l’ensemble des solutions — en loi — de \eqref{eq5.9} de la façon suivante: \[(\eta_k)_k\overset{\textrm{(loi)}}{=}(\eta_k^0V)_k,\] où \( V \) est une variable à valeurs dans \( G \), indépendante de \( (\eta_k^0) \).
(5.f) Quelques réflexions mathématico-philosophiques…
Le mouvement brownien (et son action), plus généralement le bruit
blanc \( (\xi_k)_{k\in -\mathbb{N}} \) représentent l’action de l’Être
suprème (ou de l’évolution…utilisez le terme que vous préférez…). Pour connaître
l’état du monde aujourd’hui, en l’instant \( k \), j’ai accès à l’état du monde dans le passé, c’est-à-dire jusqu’en: \( k-n_k \), \( n_k \) augmentant avec \( k \), au fur et à mesure des techniques modernes d’investigation, et aussi
comment l’évolution a transformé cet état, en les instants
\( k-n_k+1 \), \( k-n_k+2,\dots, k-1 \), pour parvenir jusqu’à l’instant
\( k \)
aujourd’hui.
Nous avons pu déterminer tous les cas possibles — c’est l’objet du théorème 5.2 — selon des critères portant sur le bruit blanc \( (\xi_k)_{k\in -\mathbb{N}} \). Néanmoins, cette discussion exhaustive me laisse toujours dans l’expectative, car je ne sais pas lequel de ces critères est vérifié…Dit d’une autre façon: les règles de l’évolution aujourd’hui, en l’instant \( k \), ne me sont connues qu’entre les instants \( (k-n_k) \) et \( k \). Je ne puis donc inférer (au mieux!) que les lois de \( \xi_{k-n_k} \), \( \xi_{k-n_{k+1}}, \dots, \xi_k \), et je ne sais donc pas lequel des critères sur la suite \( (\xi_j) \) est satisfait.
Cette discussion mathématique dans laquelle on essaie de modéliser “toute l’histoire” (à prendre avec une pincée de modestie!) me semble emblématique: les mathématiques permettent de décrire tous les possibles, mais le mystère des origines reste entier!
Références pour cette section
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: “6. Thème \( \sharp \)6 \( (\to(G_2)) \). Nombres de tours du mouvement brownien plan
(6.a) Le mouvement brownien plan \( (Z_t,t\geq0) \), issu de \( z_0\neq0 \), ne visite presque sûrement pas le point 0. (On peut bien sûr changer le couple \( (z_0,0) \) en \( (a,b) \), avec \( a\neq b \)). Ce résultat (de polarité des points pour \( Z \)) est dû à Paul Lévy, qui, plus généralement, a établi l’invariance conforme du mouvement brownien plan (vers 1943); de façon précise, si \( f:\mathbb{C}\to\mathbb{C} \) est holomorphe, et non constante, il existe alors un second mouvement brownien plan \( (\widehat{Z}_s,s\geq0) \) tel que: \begin{equation}\label{eq6.1} \tag{6.1} f(Z_t)=\widehat{Z}_{\int_0^tdu\,|f^{\prime}(Z_u)|^2},\qquad t\geq0. \end{equation}
Prenons par exemple \( f(z)=\exp(z) \); alors, la formule \eqref{eq6.1} devient, en écrivant \( X_t=\mathrm{Re}(Z_t) \):
\begin{equation}\label{eq6.2}
\tag{6.2}
\exp(Z_t)=\widehat{Z}_{\int_0^tdu\,\exp(2X_u)}.
\end{equation}
Ainsi, le mouvement brownien plan \( (\widehat{Z}_h,h\geq0) \), issu de \( \widehat{z}=\exp(z_0) \) ne visite presque sûrement pas le point 0, puisque \( \widehat{Z} \) peut s’écrire, à un changement de temps près sous
forme exponentielle: le membre de gauche de \eqref{eq6.2}.
Cette démonstration lumineuse de la polarité des points pour le
mouvement brownien plan a été donnée par B. Davis
[e21],
qui, dans le même article donne une
démonstration à l’aide du mouvement brownien plan du “grand théorème de Picard”: \( f(\mathbb{C}) \), l’image de \( \mathbb{C} \) par \( f:\mathbb{C}\to\mathbb{C} \), fonction entière, est \( \mathbb{C} \) tout entier, privé d’un point au
plus.
Depuis lors, on ne compte plus les applications de la propriété d’invariance conforme du mouvement brownien plan, soit pour établir des propriétés du mouvement brownien plan lui-même, ou de processus qui s’y rattachent (par exemple: les célèbres processus SLE), soit pour donner des démonstrations browniennes de théorèmes portant sur les fonctions méromorphes (exemple: les théorèmes de Nevanlinna, revisités par K. Carne [e28], et d’autres auteurs: Atsuji [e39], [e43], Gruet [e52]).
(6.b) Venons-en maintenant plus précisément au sujet de ce thème: l’étude (en fait asymptotique, lorsque \( t\to\infty \)) des nombres de tours de \( (Z_u,u\leq t) \) lorsque \( Z_0=z_0 \) autour d’un nombre fini de points \( (z_1,\dots,z_n) \) avec \( z_i\neq z_j,0\leq i < j\leq n \). On note \( (\theta_t^{z_i}, t\geq0) \) une détermination continue du nombre de tours de \( (Z_u,u\leq t) \) lorsque \( t \) varie, autour de \( z_i(1\leq i\leq n) \).
Cette étude commence en 1958 avec 2 résultats apparemment très différents.
- F. Spitzer [e5] montre que: \[ \frac{2}{\log t}\theta_t^{z_i}\underset{t\to\infty}{\overset{\textrm{loi}}{\longrightarrow}}\mathcal{C}_i, \] où \( \mathcal{C}_i \) est une variable de Cauchy standard.
- Harris et Robbins [e4] montrent que, si \( f:\mathbb{C}\to\mathbb R \) est bornée, à support compact (pour simplifier), alors: \[ \frac{1}{\log t}\int_0^tds\,f(Z_s)\underset{t\to\infty}{\overset{\textrm{loi}}{\longrightarrow}}\biggl(\frac{\overline{f}}{2\pi}\biggr) \mathcal{E}, \] où \( \mathcal{E} \) désigne une variable exponentielle, d’espérance 1, et \( \overline{f}=\int dx\,dy\,f(z) \). En fait, ces 2 résultats peuvent être présentés conjointement, ainsi que la convergence en loi de \[\frac{2}{\log t}(\theta_t^{z_1},\dots,\theta_t^{z_n})\] lorsque \( t\to\infty \).
Pour ne pas présenter trop rapidement un résultat très global, commençons par une étude asymptotique avec “un point de base”; cf. Messulan–Yor [7].
Il est remarquable que la loi limite de \[ \frac{1}{\log t}\theta^{r,\pm}_t,\quad t\to\infty, \] ne dépende pas de \( r \). Cette non-dépendance peut-être expliquée par le fait que: pour \( 0 < r < R < \infty \), l’angle “intermédiaire”: \[\frac{1}{\sqrt{\log t}}\int_0^t d\theta_s1_{(r\leq|Z_s|\leq R)}\] converge en loi vers une variable \( W^{r,R} \) non triviale.
En conséquence: \[\frac{1}{\log t}\int_0^t d\theta_s1_{(r\leq|Z_s|\leq R)}\overset{\textrm{(P)}}{\to}0.\]
Le résultat concernant la 3ème composante dans la convergence en loi du théorème 6.1 est bien en accord avec le résultat de Harris–Robbins énoncé ci-dessus, car: \[ \ell_\sigma\overset{\textrm{(loi)}}{=}2\mathcal{E}. \]
(6.c) Ce théorème 6.1 est très loin de présenter une vision globale des résultats asymptotiques portant sur les fonctionnelles du mouvement brownien plan. Il présente, “au contraire”, en ce qui concerne tout au moins l’asymptotique des nombres de tours, le “début” de l’histoire dans les années 80; cf. l’article de présentation à mi-course de Pitman–Yor [9]. Le panorama plus global, à la fin des années 80, figure dans Pitman–Yor [17].
- Pour tout \( n \)-uplet de points \( (z_1,\dots,z_n) \) différents, et différents de \( z_0(=Z_0) \), le vecteur: \[ \frac{2}{\log t} (\theta^{z_1}_t,\dots,\theta^{z_n}_t) \] converge en loi, lorsque \( t\to\infty \), vers: \[(W_1^-+W^+,W_2^-+W^+,\dots,W_n^-+W^+)\] le vecteur \( (n+1) \) dimensionnel \( (W_1^-,\dots,W_n^-,W^+) \) étant la limite en loi de: \[ \frac{2}{\log t}(\theta_t^{z_i,-},\dots,\theta_t^{z_n,-},\theta_t^+), \] où: \[\theta_t^{z_i,-}=\int_0^td\theta_s^{z_i}1_{(|Z_s-z_i|\leq r_i)}\] et \( \theta_t^+ \) peut être n’importe lequel des “grands nombres de tours” \[ \theta_t^{z_j,+}=\int_0^td\theta_s^{z_j}1_{(|Z_s-z_j|\geq r_j)}. \]
- La fonction caractéristique de \( (W_j\equiv W_j^-+W^+;j\leq n) \) est donnée par la formule: \[ E\biggl[\exp\biggl( i\sum^n_{j=1}\lambda_jW_j\biggr)\biggr]=\biggl[\mathrm{ch}\biggl(\sum^n_{j=1}\lambda_j\biggr)+\frac{\sum^n_{j=1}|\lambda_j|}{\sum^n_{j=1}\lambda_j}\mathrm{sh} \biggl(\sum^n_{j=1}\lambda_j\biggr)\!\biggr]^{-1}. \]
Notons, pour illustrer ce dernier résultat que, si tous les \( (\lambda_j) \) sont de même signe, alors la fonction caractéristique conjointe ci-dessus est égale à: \[\exp\biggl(-\sum^n_{j=1}|\lambda_j|\biggr)\] ce qui pourrait donner l’illusion que les \( W_j \) sont indépendantes. Il n’en est pas ainsi toujours par inspection de la même fonction caractéristique, cette fois-ci avec un point générique \( (\lambda_1,\dots,\lambda_n)\in\mathbb R^n \).
(6.d) Le théorème 6.2 ci-dessus donne une idée de l’unification des théorèmes limites de fonctionnelles du mouvement brownien plan, i.e: unification des théorèmes de Spitzer et Harris–Robbins (cf. (6.a) ci-dessus). On trouvera dans Hu–Yor [32] une présentation systématique de cet effort d’unification.
(6.e) Le théorème 6.2 ne tient compte que de l’aspect homologique des nombres de tours, c’est-à-dire qu’il ne tient pas compte de la façon dont le “mot” des tours successifs autour des différents points s’est formé, c’est-à-dire l’aspect homotopique. Plusieurs études, profondes et difficiles, de cet aspect homotopique ont été menées (cf. [e26], [e36]).
(6.f) Ces études approfondies des nombres de tours du mouvement Brownian plan m’ont permis d’aborder — de façon étonnante — les études de fonctionnelles exponentielles du mouvement brownien.
Références pour cette section
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: “7. Thème \( \sharp \)7 \( (\to(G_2)) \). Mouvement brownien et valeurs principales
(7.a) J’ai dû apprendre la notion de valeur principale au détour d’un ou de plusieurs problèmes en Terminale. La possibilité de donner un sens, pour les intégrales, à: \( (+\infty)-(+\infty) \) m’a vraiment impressionné, d’autant plus que les quantités ainsi construites avaient souvent une importance très particulière (cf. la transformation de Hilbert sur \( L^2(\mathbb R) \), apprise quelques années plus tard).
(7.b) Il n’est donc pas très étonnant que je me sois ensuite intéressé aux versions browniennes de ces valeurs principales; ainsi:
- \( \displaystyle H_t\overset{\textrm{def}}{=}\lim_{\varepsilon\to0}\int_0^t\frac{ds}{B_s}1_{(|B_s|\geq\varepsilon)}, \) où \( (B_s) \) est le mouvement brownien réel;
- \( \displaystyle\gamma_t\overset{\textrm{def}}{=}\lim_{n\to\infty}\biggl\{\int_0^tds\int_0^sdu\,f_n(B_u-B_s)-\int_0^tds\int_0^sdu\,E[f_n(B_u-B_s)]\biggr\}, \)
où \( f_n(x) \) \( \equiv n^2f(nx) \), \( n\in\mathbb{N} \), est une approximation de l’identité dans \( \mathbb R^2 \), et \( (B_t,t\geq0) \) désigne ici un mouvement brownien 2-dimensionnel.
(7.b.1) L’existence de \( (H_t,t\geq0) \) résulte de la régularité höldérienne des temps locaux browniens; en effet, on a: \begin{equation}\label{eq7.1} \tag{7.1} \int_0^t\frac{ds}{B_s}1_{(|B_s|\geq\varepsilon)}=\int_\varepsilon^\infty\frac{da}{a}(\ell_t^a-\ell_t^{-a}), \end{equation} où \( (\ell_t^a; t\geq0) \) désigne le temps local de \( B \) au niveau \( a \). Il est bien connu que l’on a, par exemple: \begin{equation}\label{eq7.1b} \tag{7.2} \sup_{s\leq t}|\ell_s^a-\ell_s^b|\leq\mathcal{C}_{t,\omega}|a-b|^{\frac{1}{2}-\eta} \end{equation} pour tout \( \eta\in\bigl(0,\frac{1}{2}\bigr) \).
Ainsi, le membre de droite de \eqref{eq7.1} converge absolument, i.e: \[ \int_0^\infty\frac{da}{a}|\ell_t^a-\ell_t^{-a}| < \infty\quad\textrm{Pp.s.} \]
Mon intérêt pour ce “processus de Hilbert” \( (H_t,t\geq0) \) est la remarque suivante: considérons \( (\tau_u,u\geq0) \) l’inverse de \( (\ell_t^0, t\geq0) \), le temps local en 0, c’est-à-dire: \[\tau_u=\inf\{t:\ell_t^0 > u\}.\] Il n’est pas difficile de montrer que \( (H_{\tau_u},u\geq0) \) est un processus de Cauchy symétrique.
Encore un peu de travail, et on obtient (à l’aide de la théorie des excursions par exemple), que \( \bigl(\frac{1}{\pi}H_{\tau_u},u\geq0\bigr) \) est un processus de Cauchy standard.
On ne peut alors s’empêcher de rapprocher ce résultat d’une représentation de Spitzer du processus de Cauchy standard, comme \( (\beta_{\tau_u},u\geq0) \) où \( (\beta_s,s\geq0) \) désigne un mouvement brownien réel indépendant de \( (\tau_u,u\geq0) \). Autrement dit, le processus de Hilbert \( \bigl(\frac{1}{\pi}H_t, t\geq0\bigr) \) a même “trace” sur l’ensemble des zéros du mouvement brownien \( B \) à partir duquel il est défini qu’un mouvement brownien \( (\beta_t, t\geq0) \) supposé indépendant de \( B \)!
La question naturelle qui se pose alors est: quelle est la loi du processus de Lévy 2-dimensionnel: \begin{equation}\label{eq7.2} \tag{7.3} \biggl(\!\biggl(\frac{1}{\pi}H_{\tau_\ell},\tau_\ell\biggr);\ell\geq0\biggr) \end{equation} dont la première composante est un processus de Cauchy, et la seconde un subordinateur stable d’indice \( (1/2) \)?
Une conjecture naïve, qui permettrait d’expliquer la loi de la première composante de \eqref{eq7.2} serait que, conditionnellement à \( \tau(\ell)=\theta \), \( \frac{1}{\pi}H(\tau(\ell))\equiv\frac{1}{\pi}H(\theta) \) serait une variable Gaussienne centrée, de variance \( \theta \).
Il n’en est pas du tout ainsi, comme le théorème suivant, extrait de [15], le montre.
A l’aide de la théorie des excursions d’Itô, on peut passer assez aisément du résultat du théorème \eqref{eq7.1} à une compréhension de la loi de \( \frac{1}{\pi}H(T_\lambda) \), et même plus généralement: \[\biggl(\frac{1}{\pi}H(g_T),\frac{1}{\pi}( H(T)-H(g_T))\!\biggr),\] où \( T_\lambda \), resp: \( T \) est une variable exponentielle de paramètre \( \lambda \), resp: \( 1/2 \) (pour un paramètre \( \lambda \) quelconque, utiliser la propriété de scaling pour se ramener à la valeur \( 1/2 \)), indépendante du mouvement brownien \( B \), \( g_t=\sup\{s < t:B_s=0\} \).
(7.b.2) Le second résultat (existence de \( \gamma_t \)) mentionné au début de (7.b) est dû à S. Varadhan [e10], qui répondait ainsi, par la négative, à une suggestion de Symanzik [e10] de construire des champs quantiques avec interaction en “effaçant les points doubles du mouvement brownien plan”.
(7.c) Extension à certains processus de Lévy.
A la suite de Fitzsimmons–Getoor
[e34]
qui ont étendu les
précédents résultats de Biane–Yor
[15]
aux processus de Lévy symétriques, J. Bertoin
([e42],
Chap. 5)
supprime même l’hypothèse de symétrie, et
montre que le théorème 7.1 s’étend, quitte à remplacer \( \sqrt{2q} \) dans le membre de droite par \( K(q) \), où \( 1/K(q) \) est l’exposant de Laplace
de \( (\tau_\ell,\ell\geq0) \). Plus récemment, dans sa thèse, F.
Cordero
[e58]
reprend les calculs de Bertoin dans le cadre des processus de Lévy symétriques stables.
(7.d) Calcul stochastique et valeurs principales des temps locaux browniens.
Cet aspect a été développé par T.
Yamada
[e44];
(voir aussi R. Mansuy–M. Yor
[28],
Chap. 10). La formule de Itô–Tanaka montre que, pour \( \alpha\geq0 \), le
processus \( |B_t|^{1+\alpha} \), \( t\geq0 \), est une semimartingale,
et la même formule en exprime la décomposition canonique. Par
contre, pour \( \frac{1}{2} < \beta < 1 \), le processus \( |B_t|^\beta \) est
seulement un processus de Dirichlet, c’est-à-dire la somme d’une
martingale locale, et d’un processus à variation quadratique
nulle. Plus précisément, pour \( \beta=1-\alpha \), avec:
\( 0 < \alpha < \frac{1}{2} \), on a:
\[
|B_t|^{1-\alpha}=(1-\alpha)\int_0^t|B_s|^{-\alpha}\operatorname{sgn}(B_s)dB_s+\frac{(1-\alpha)(-\alpha)}{2}\textrm{p.v.}\int_0^t\frac{ds}{|B_s|^{1+\alpha}},\]
où l’on a noté:
\[
\textrm{p.v.}\int_0^t\frac{ds}{|B_s|^{1+\alpha}}
\]
pour:
\[\int_{-\infty}^\infty\frac{db}{|b|^{1+\alpha}}(\ell_t^b-\ell_t^0).
\]
Ces valeurs principales apparaissent également naturellement dans l’expression de certains théorèmes limites de fonctionnelles du mouvement brownien linéaire; voir l’article de Yamada [22] pour leur formulation et le détail des preuves.
Références pour cette section
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:Sur la théorie des excursions pour des processus de Lévy symétriques stables d’indice \( \alpha \in ]1,2] \), et quelques applications (On the excursion theory for symmetric stable Lévy processes with index bigger than one and some applications). Ph.D. thesis, Université Pierre et Marie Curie–Paris VI, 2010. phdthesis
:8. Thème \( \sharp \)8 \( (\to(G_3)) \): Sur l’air(e) de Paul Lévy, des fonctionnelles quadratiques du mouvement brownien, et des identités de Ciesielski–Taylor
(8.a) Paul Lévy a défini le processus de l’aire stochastique du mouvement brownien plan: \( (Z_t= X_t+iY_t, t\geq0) \) comme \[ \mathcal{A}_t= \frac{1}{2}\int_0^t(X_sdY_s-Y_sdX_s) \] et en a donné la loi, au travers de sa fonction caractéristique (tout au moins, pour \( t \) fixé). Plus précisément, on a: \begin{eqnarray} E[\exp(i\lambda\mathcal{A}_t)|Z_t=z]&=& E\biggl[\exp\biggl(-\frac{\lambda^2}{8}\int_0^tds\,|Z_s|^2\biggr)|Z_t|=|z|\biggr] \nonumber\\ &=& \biggl(\frac{\lambda t/2}{\textrm{sh}(\lambda t/2)}\biggr)\exp\biggl(-\frac{|z|^2}{2t}\biggl(\frac{\lambda t}{2}\coth\biggl(\frac{\lambda t}{2}\biggr)-1\biggr)\!\biggr) \label{eq8.1} \tag{8.1} \end{eqnarray} la première égalité découlant de l’invariance de la loi de \( (Z_u,u\geq0) \) par rotation, et la seconde identité pouvant être obtenue par changement de probabilité (à la Girsanov), et ramenant le calcul à celui de la loi au temps \( t \) d’un processus d’Ornstein–Uhlenbeck complexe, ce qui est bien sûr élémentaire, celle-ci étant une loi gaussienne centrée, dont il suffit de calculer la variance. Bien entendu, cette méthode, pour obtenir \eqref{eq8.1} diffère de celle d’origine de Paul Lévy [e3] qui utilisait la décomposition en série de \( \int_0^tds\,|Z_s|^2 \) à l’aide d’un argument / développement de Karhunen–Loève.
(8.b) Grâce à la propriété d’additivité des carrés de processus de Bessel, la formule de Paul Lévy \eqref{eq8.1} peut être étendue comme suit: notons \( Q_x^\delta \) (pour \( \delta, x\geq0 \)) la loi d’un carré, issu de \( x \), de processus de Bessel de dimension \( \delta \), loi considérée sur \( C(\mathbb R_+,\mathbb R_+) \), où \( (X_t) \) est le processus des coordonnées. Alors, la propriété d’additivité, remarquée par Shiga–Watanabe [e12], s’écrit: \begin{equation}\label{eq8.2} \tag{8.2} Q_x^\delta\ast Q_{x^{\prime}}^{\delta^{\prime}}=Q_{\delta+\delta^{\prime}}^{x+x^{\prime}},(x,x^{\prime},\delta,\delta^{\prime}\geq0) \end{equation} et, pour toute mesure \( \mu(dt) \) sur \( \mathbb R_+ \), telle que: \( \int_0^\infty\mu (dt)(t\vee 1) < \infty \) on a l’identité: \begin{equation}\label{eq8.3} \tag{8.3} Q_x^\delta\biggl(\exp\biggl(-\frac{1}{2}\int\mu(dt)X_t\biggr)\!\biggr)=(\phi_\mu(\infty))^{\delta/2}\exp\biggl(\frac{x}{2}{\phi^{\prime}}_\mu(0+)\!\biggr), \end{equation} où \( \phi_\mu:\mathbb R_+\to\mathbb R_+ \) est l’unique solution décroissante de l’équation de Sturm–Liouville: \( \phi^{\prime\prime}=\mu\phi \), avec \( \phi(0)=1 \). L’identité \eqref{eq8.3}, pour toute mesure \( \mu(dt)\geq0 \), finie (pour simplifier), et à support compact, caractérise la loi \( Q_x^\delta \).
De \eqref{eq8.2}, on déduit que, pour tout \( \delta,x\geq0 \) fixés, \( Q_x^\delta \) est indéfiniment divisible; cette famille de probabilités admet une représentation de Lévy–Khintchine: \[ Q_x^\delta\biggl(\exp\biggl(-\frac{1}{2}I_\mu(X)\biggr)\!\biggr)=\exp-\int_{C(\mathbb R_+,\mathbb R_+)}(xM(d\omega)+\delta N(d\omega))(1-e^{-\frac{1}{2}I_\mu(\omega)}), \] où, pour simplifier l’écriture, on a noté: \( I_\mu(X)=\int\mu(dt)X_t \); \( I_\mu(\omega)=\int\mu(dt)\omega(t) \). Les théorèmes de Ray–Knight, pour le mouvement brownien, d’une part, et pour le processus de Bessel de dimension 3 d’autre part, permettent d’exprimer \( M \) et \( N \) en termes des temps locaux browniens. Voir Pitman–Yor [5], qui étudient, plus généralement les probabilités \( Q^{\delta,t}_{x\to y} \) des carrés de ponts de Bessel de durée \( t \), issus de \( x \) et finissant en \( y \).
(8.c) Les identités de Ciesielski–Taylor [e6] sont les suivantes: \begin{equation}\label{eq8.4} \tag{8.4} \int_0^\infty ds\,1_{(R_{\delta+2}(s)\leq1)}\overset{\textrm{(loi)}}{=}T_1(R_\delta), \end{equation} où \( (R_\gamma(s),s\geq0) \) désigne un processus de Bessel de dimension \( \gamma \) issu de 0, et \( T_1(R_\delta)=\inf\{t:R_t=1\} \). Hormis le cas \( \delta=1 \), pour lequel D. Williams a montré que l’on pouvait obtenir \eqref{eq8.4} comme conséquence du résultat de retournement liant mouvement brownien, et processus de Bessel de dimension 3, il n’y a pas de démonstration vraiment lumineuse, c’est-à-dire au moyen d’une transformation trajectorielle ad hoc, qui permette d’obtenir \eqref{eq8.4} pour \( \delta\neq1 \).
Toutefois, le désir de comprendre \eqref{eq8.4} avec un minimum de calculs a permis de mettre en évidence une “formule d’intégration par parties” qui, à son tour, permet d’expliquer d’autres “coïncidences” du type de celles de \eqref{eq8.4}.
En effet, réécrivons chacun des deux membres de \eqref{eq8.4} comme intégrale des temps locaux du processus de Bessel correspondant. L’identité \eqref{eq8.4} devient: \begin{equation}\label{eq8.5} \tag{8.5} \int_0^1daL_\infty^a(R_{(\delta+2)}\overset{\textrm{(loi)}}{=}\int_0^1daL^a_{T_1}(R_{(\delta)}). \end{equation}
On se convainc immédiatement qu’il ne saurait y avoir d’identité en loi entre les deux processus \( (L_\infty^a(R_{(\delta+2)}),0\leq a\leq1) \) et \( (L^a_{T_1}(R_{(\delta)}),0\leq a\leq1) \), puisque ce second processus est nul en \( a=1 \), et pas le premier.
Par contre, il n’est pas difficile d’obtenir des théorèmes de Ray–Knight pour les processus \( (L_\infty^a(R_{(\delta+2)}) \), \( a\geq0) \) et \( (L^a_{T_1}(R_{(\delta)}),0\leq a\leq1) \), à l’aide des théorèmes de Ray–Knight pour le mouvement brownien et le processus de Bessel de dimension 3. Voir [5], [22], pour l’énoncé de ces théorèmes de Ray–Knight pour toutes les dimensions \( \delta \). Je ne donnerai ici les énoncés que pour \( \delta=2 \): \begin{eqnarray*} (L_\infty^a(R^{(2+2)}_\bullet), a\geq0)&\overset{\textrm{(loi)}}{=}&\biggl(\frac{1}{a}|\widetilde{B}_{a^2}|^2,a\geq0\biggr) \end{eqnarray*} et \begin{eqnarray*} (L^a_{T_1}(R_\bullet^{(2)}),0\leq a\leq1)&\overset{\textrm{(loi)}}{=}&\biggl( a|\widetilde{B}_{\log(1/a)}|^2,0\leq a\leq1\biggr) , \end{eqnarray*} où \( (\widetilde{B}_u,u\geq0) \) désigne ici un mouvement brownien 2-dimensionnel issu de 0. Dans ce cas, l’identité en loi \eqref{eq8.5} est ramenée à: \begin{equation}\label{eq8.6} \tag{8.6} \int_0^1\frac{da}{a}B^2_{a^2}\overset{\textrm{(loi)}}{=}\int_0^12aB^2_{\log(1/a)}da, \end{equation} où \( (B_u,u\geq0) \) désigne maintenant simplement un mouvement brownien réel.
Comment comprendre \eqref{eq8.6}? En fait, c’est un cas particulier de l’identité en loi suivante, que l’on peut qualifier de “formule d’intégration par parties”: \begin{equation}\label{eq8.7} \tag{8.7} \int_c^d-df(x)B^2_{g(x)}+f(d)B^2_{g(d)}\overset{\textrm{(loi)}}{=} g(c)B^2_{f(c)}+\int_c^ddg(x)B^2_{f(x)}, \end{equation} où \( f,g:[c,d]\to\mathbb R_+ \) sont deux fonctions continues, \( f \) étant supposée décroissante, et \( g \) croissante.
\eqref{eq8.6} est bien sûr un cas particulier de \eqref{eq8.7}, où l’on a pris: \( c=0,d=1 \), \( f(x)=\log(1/x) \), \( g(x)=x^2 \).
Faisons quelques remarques à propos de \eqref{eq8.7}: si l’on prend l’espérance de chacun des deux membres de \eqref{eq8.7}, on obtient: \[\int_c^d-df(x)g(x)+f(d)g(d)=g(c)f(c)+\int_c^ddg(x)f(x)\] qui est bien sûr l’expression de la “formule d’intégration par partie” classique c’est-à-dire déterministe. Mais, il est plus remarquable (et moins évident) que, “derrière l’identité \eqref{eq8.7}”, sont cachées une infinité d’identités mettant en jeu les fonctions \( f \) et \( g \), obtenues en prenant les moments d’ordre \( n \), pour tout \( n\in\mathbb{N} \), \( n\geq2 \). Ces identités se ramènent également à des formules d’intégration par parties déterministes. Voir Yen–Yor [44].
Références pour cette section
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: “Moments thoughts about an integration by parts in distribution for Brownian quadratic functionals, 2010. unpublished manuscript. misc
:9. Thème \( \sharp \)9 \( (\to(G_2)) \): Filtration des ponts browniens, et effeuillage (ou épluchage) du mouvement Brownien
(9.a) On doit à Paul Lévy (une fois de plus!) la notion de mouvement brownien non-canonique; je prendrai ici pour définition de cette notion, tout mouvement brownien représentable sous la forme: \[ \biggl(\gamma_t=\int_0^th(t,u)d\beta_u, t\geq0\biggr), \] où \( (\beta_s,s\geq0) \) est un mouvement brownien réel, et \( h:(u < t)\to\mathbb R \) une fonction de deux variables telle que: \( \int_0^th^2(t,u)\,du < \infty \), pour tout \( t \). On demande de plus — c’est le caractère “non-canonique” — que la filtration naturelle de \( \gamma \) soit strictement contenue dans celle de \( \beta \). Une condition équivalente est, bien sûr, que, pour certains \( t \), l’espace gaussien \( G_t^\gamma \), engendré par les variables \( (\gamma_s,s\leq t) \) soit strictement contenu dans \( G_t^\beta \), ou encore, qu’il existe un élément de \( G_t^\beta \), disons: \( \int_0^t\theta(u)d\beta_u \), qui soit orthogonal à toutes les variables \( (\gamma_s,s\leq t) \).
Le cas particulier où \( h(t,u)=\varphi (u/t) \) pour \( \varphi:[0,1]\to\mathbb R \) est spécialement intéressant. Il n’est pas difficile de montrer que \( \gamma_t^{(\varphi)}\equiv\int_0^t\varphi(u/t) d\beta_u \), \( t\geq0 \), est un mouvement brownien si, et seulement si \( \int_0^1dv\varphi(xv)\varphi(v)=1(0 < x < 1) \).
(9.b) L’exemple de mouvement brownien non canonique qui m’a le plus intéressé est: \begin{equation}\label{eq9.1} \tag{9.1} \gamma_t=\beta_t-\int_0^t\frac{ds}{s}\beta_s\equiv\int_0^t\biggl( 1-\log\biggl(\frac{t}{s}\biggr)\!\biggr) d\beta_s. \end{equation}
Cet exemple apparait naturellement lors de considérations liées aux ponts du mouvement brownien \( \beta \).
Plus précisément, considérons la décomposition comme semimartingale de \( (\beta_u,u\leq t) \) dans la filtration \( \mathcal{F}_u^{(t)}\equiv\mathcal{F}_u^\beta\vee\sigma(\beta_t) \) (: à \( t \) fixé). Il est classique que l’on a: \begin{equation}\label{eq9.2} \tag{9.2} \beta_u=\beta_u^{(t)}+\int_0^uds\frac{\beta_t-\beta_s}{t-s},\quad u\leq t, \end{equation} avec \( (\beta_u^{(t)},u\leq t) \) un \( (\mathcal{F}_u^{(t)}) \) mouvement brownien.
Si l’on retourne \( \beta \) en l’instant \( t \), on obtient, d’après \eqref{eq9.2}: \[\beta_t-\beta_{(t-u)}=(\beta_t^{(t)}-\beta_{(t-u)}^{(t)})+\int_0^u\frac{dh}{h}(\beta_t-\beta_{(t-h)}).\] Ainsi, on a: \[\widetilde{\beta}_u^{(t)}=\widehat{\beta_u^{(t)}}-\int_0^u\frac{dh}{h}\widetilde{\beta^{(t)}_h},\] où l’on a noté: \( \widetilde{\beta_u^{(t)}}=\beta_t-\beta_{(t-u)} \) et \( \widehat{\beta}_u^{(t)}=\beta_t^{(t)}-\beta_{(t-u)}^{(t)} \). On a donc ainsi “compris” pourquoi la formule \eqref{eq9.1} produit un mouvement brownien \( \gamma \) à partir de \( \beta \). Bien sûr, on peut aussi vérifier “mécaniquement” que \( (\gamma_t, t\geq0) \) défini en \eqref{eq9.1} admet pour covariance \( t\wedge s \). Mais, l’explication ci-dessus de “l’apparition” de \( \gamma \) me semble bien plus intéressante!
(9.c) D’autres auteurs (Chitashvili [e29], Deheuvels [e24]) sont aussi “tombés” sur l’exemple \eqref{eq9.1} de mouvement brownien non-canonique, à la suite de différentes motivations. La discussion faite en (9.b) ci-dessus est le point de départ de l’article de Jeulin–Yor [19] lui-même développé en [25].
(9.d) L’effeuillage (ou épluchage) dont il est question dans le titre de ce thème a le sens suivant: introduisons la transformation \( T \) qui est bien définie sur les fonctions continues \( f:\mathbb R_+\to\mathbb R \) telle que: \[\int_0\frac{ds}{s}|f(s)| < \infty,\] par: \[Tf(t)=f(t)-\int_0^t\frac{ds}{s}f(s).\]
Nous venons de voir que \( T \) préserve la mesure de Wiener, i.e \( T(W)=W \). Itérons \( T \); on obtient alors aisément: \[T^n(\beta)_t=\int_0^tP_n\biggl(\log\frac{t}{u}\biggr) d\beta_u,\] où \( P_n \) est le n-ième polynome de Laguerre. (Cette représentation explique pourquoi j’ai classé ce thème dans la rubrique \( (G_2) \): \( T \) entretient des liens étroits avec la b.o.n des polynomes de Laguerre \( (P_n) \) dans \( L^2(\mathbb R_+;e^{-x}dx) \)). Si \( \mathcal{T}^{(n)}_t \) désigne l’espace gaussien engendré par \( (T^n(\beta)_s,s\leq t) \), alors: \( \mathcal{T}^{(0)}_t \) est la somme directe de l’espace \( \mathcal{T}^{(n)}_t \) et de l’espace orthogonal engendré par les variables: \( T^k(\beta)_t;k=0,1,\dots,n-1 \).
La suite des polynomes de Laguerre \( (P_n(x),n=0,1,\dots) \) constituant une b.o.n. de \( L^2(\mathbb R_+,e^{-x}dx) \), les variables gaussiennes
\( \{T^k(\beta)_t;k=0,1,\dots\} \) constituent une b.o.n. de \( \mathcal{T}^{(0)}_t \). Cet argument montre que \( T \) est un \( K \)-automorphisme…, et a fortiori, \( T \) est une transformation ergodique de l’espace de Wiener.
(9.e) Relations avec un théorème de Widder.
Un théorème de Widder
(cf. [e16],
Chap IV) affirme que si une
fonction: \( h:\mathbb R_+\times\mathbb R^{d^{\prime}}\to\mathbb R_+ \) est
une fonction harmonique espace-temps, c’est-à-dire qu’elle
satisfait (au moins au sens des distributions):
\[
\frac{\partial h}{\partial t}+\frac{1}{2}\Delta_xh=0,
\]
alors il
existe une mesure finie \( \mu(d\lambda) \) sur \( \mathbb R^d \) telle
que:
\begin{equation}\label{eq9.2b}
\tag{9.3}
h(x,t)=\int d\mu(\lambda)\exp\biggl(\lambda\bullet x-\frac{1}{2}|\lambda|^2t\biggr).
\end{equation}
Une démonstration probabiliste de ce résultat a été, pour l’essentiel, donnée en ([43], Chap. 1, Theo. 1.3), où le mouvement brownien \( (T(B)_t, t\geq0) \) joue un rôle auxiliaire, mais essentiel…Voici cet argument.
\( h \) étant harmonique espace-temps, le processus \( (h(t,B_t), t\geq0) \) est une martingale locale. Admettons que ce soit une martingale (il faudrait savoir supprimer cette hypothèse…). On peut alors construire une probabilité \( W^h \) sur l’espace canonique qui satisfasse: \begin{equation}\label{eq9.3} \tag{9.4} W^h_{|\mathcal{F}_t}=h(t,X_t)\bullet W_{|\mathcal{F}_t}, \end{equation} \( W \) désignant comme toujours la mesure de Wiener, \( (X_t,t\geq0) \) le processus des coordonnées, et \( \mathcal{F}_t=\sigma\{X_s,s\leq t\} \).
Le processus \( (T(X)_u,u\leq t) \) étant indépendant de \( X_t \), sous \( W \), l’est encore sous \( W^h \), d’après \eqref{eq9.3}. En conséquence, \( (T(X)_u,u\geq 0) \), sous \( W^h \), est un mouvement brownien, et satisfait en outre la propriété d’indépendance que nous venons de mentionner. Posons: \( \beta_t=T(X)_t \), et cherchons à résoudre: \begin{equation}\label{eq9.4} \tag{9.5} X_t=\beta_t+\int_0^t\frac{ds}{s}X_s,\quad \textrm{sous }W^h. \end{equation}
Remarquons que, pour \( 0 < s < t \), d’après \eqref{eq9.4}:
\begin{equation}\label{eq9.5}
\tag{9.6}
\frac{X_t}{t}=\frac{X_s}{s}+\int_s^t\frac{d\beta_u}{u}.
\end{equation}
En conséquence, puisque \( \int^\infty du/u^2 < \infty \), le membre de droite de
\eqref{eq9.5} converge lorsque \( t\to\infty \); ainsi, à gauche, on a:
\[
Y:=\lim_{t\to\infty}\frac{X_t}{t}
\]
et on déduit
de \eqref{eq9.5} \( X_s=sY+\widehat{\beta}_s \), \( s\geq0 \), où
\[
\widehat{\beta}_s=s\int^\infty_s\frac{d\beta_u}{u}
\]
est encore un mouvement brownien.
Ainsi, \( W^h \) est la loi du mouvement brownien avec drift indépendant \( Y \), dont on note maintenant la loi \( \mu(d\lambda) \) (sur \( \mathbb R^n \)). En conséquence de la relation d’absolue continuité de Cameron–Martin, on a donc: \[W^h_{|\mathcal{F}_t}=\int\mu(d\lambda)\exp\biggl(\lambda\bullet X_t-\frac{|\lambda|^2}{2}t\biggr)\bullet W_{|\mathcal{F}_t}\] et la représentation \eqref{eq9.3} s’ensuit.
(9.f) Une autre décomposition du mouvement
brownien, le long des polynomes de Legendre.
En Décembre 2009, D. Stroock a posé la question de savoir s’il existe un groupe \( (T^u)_{u\in\mathbb R} \) de
transformations bien définies sur l’espace de Wiener, qui interpole
les puissances entières \( (T^n,n\in\mathbb{Z}) \). La réponse à
cette question est positive
(cf. [50]).
Il ne m’est malheureusement pas possible de
donner les détails de la construction; hormis le fait que l’on
procède ici par transformation de Fourier, et que ce travail a
quelque parenté avec celui de Jeulin–Yor
[25].
Références pour cette section
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: “Sur une transformation du mouvement brownien due à Jeulin et Yor,” pp. 98–101 in Séminaire de Probabilités, XXVIII. Edited by J. Azéma, M. Yor, and P. A. Meyer. Lecture Notes in Mathematics 1583. Springer (Berlin), 1994. MR 1329103 Zbl 0811.60064 incollection
: “From an example of Lévy’s,” pp. 162–165 in Séminaire de Probabilités, XXIX. Edited by J. Azéma, M. Emery, P. A. Meyer, and M. Yor. Lecture Notes in Mathematics 1613. Springer (Berlin), 1995. MR 1459457 Zbl 0833.60082 incollection
: “Integral transformations of Volterra Gaussian processes. Ph.D. thesis, University of of Helsinki, 2007. Zbl 1129.60037 phdthesis
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: “Müntz linear transforms of Brownian motion,” Electron. J. Probab. 19 (2014), pp. no. 36, 15. MR 3183580 Zbl 1292.60079 article
: “10. Thème \( \sharp \)10 \( (\to(G_3)) \): Moyenne arithmétique du mouvement brownien géométrique; options asiatiques; extensions exponentielles des théorèmes de Lévy et Pitman
(10.a) Rappelons les énoncés classiques des théorèmes de
Lévy et Pitman, qui permettent de représenter (en loi),
respectivement, le mouvement brownien réfléchi \( (|B_t|, t\geq0) \)
et le processus de Bessel de dimension 3 \( (R_t,t\geq0) \) comme
combinaisons linéaires du mouvement brownien réel \( (B_t,t\geq0) \)
et de son
supremum \( (S_t= \sup_{s\leq t}B_s, t\geq0) \).
Précisément:
- \( (S_t-B_t,S_t; t\geq0)\overset{\textrm{(loi)}}{=}(|B_t|,L_t;
t\geq0) \), où \( (L_t,t\geq0) \) désigne le temps local en 0
de \( B \); - \( (2S_t-B_t,S_t; t\geq0)\overset{\textrm{(loi)}}{=}(R_t,\mathcal{I}_t\equiv\inf_{s\geq t}R_s; t\geq0) \).
Ces deux théorèmes admettent des extensions convenables lorsque l’on remplace dans les membres de gauche, \( (B_t) \) par \( B_t^\mu\equiv B_t+\mu t \), le mouvement brownien avec dérive \( \mu \), et \( S_t \) par \( S_t^\mu=\sup_{s\leq t} B_s^\mu \). Voir, par exemple, [27].
(10.b) Ces deux théorèmes admettent les variantes exponentielles suivantes: pour tout \( \lambda\in\mathbb R \), et \( \mu\in\mathbb R \), les processus \begin{equation}\label{eq10.1} \tag{10.1} X^{\lambda,\mu}_t=\exp(-\lambda B_t^\mu)\int_0^t\exp(\lambda B_s^\mu)\,ds,\quad t\geq0, \end{equation} et \begin{equation}\label{eq10.2} \tag{10.2} Z^{\lambda,\mu}_t=\exp(-\lambda B_t^\mu)\int_0^t\exp(2\lambda B_s^\mu)\,ds,\quad t\geq0, \end{equation} sont deux diffusions réelles, de générateurs infinitésimaux respectifs \( ~^{(1)}\mathcal{L}^{\lambda,\mu} \) et \( ~^{(2)}\mathcal{L}^{\lambda,\mu} \) décrits dans le théorème suivant
- Pour tous \( \lambda,\mu\in\mathbb R \), le processus \( (X^{\lambda,\mu}_t, t\geq0) \) est un processus de Markov, de générateur infinitésimal: \[~^{(1)}\mathcal{L}^{\lambda,\mu}=\frac{\lambda^2}{2}x^2\frac{d^2}{dx^2}+\biggl(\!\biggl(\frac{\lambda^2}{2}-\lambda u\biggr) x+1\biggr)\frac{d}{dx}.\]
- Pour simplifier, prenons \( \lambda=1 \), et écrivons \( Z^\mu \) pour \( Z^{(1,\mu)} \).
Alors, les processus \( (Z^{(\mu)}_t, t\geq0) \) et \( (Z^{(-\mu)}_t, t\geq0) \) ont même loi, celle d’une diffusion sur \( \mathbb R_+ \), de générateur infinitésimal: \[~^{(2)}\mathcal{L}^{\mu}=\frac{z^2}{2}\frac{d^2}{dz^2}+\biggl(\!\biggl(\frac{1}{2}-\mu\biggr) z+\biggl(\frac{K_{1+\mu}}{K_\mu}\biggr)\biggl(\frac{1}{z}\biggr)\!\biggr) \frac{d}{dz},\] où la fonction \( K_\nu \) est la fonction de Bessel–McDonald d’indice \( \nu \).
A titre d’exercice, on pourra vérifier d’une part que \( ~^{(2)}\mathcal{L}^{\mu}=~^{(2)}\mathcal{L}^{-\mu} \), à partir des propriétés des fonctions \( K_\nu \) et d’autre part on pourra calculer \( ~^{(2)}\mathcal{L}^{\lambda,\mu} \).
Un résumé assez synthétique des arguments de démonstration du théorème 10.1 figure en [38], Sections 5 et 6. Voir également [40] et [41].
(10.c) Les variantes exponentielles des théorèmes de Lévy et Pitman énoncées en (10.b) peuvent en fait être considérées comme des extensions de ces théorèmes. En effet, si l’on prend la puissance d’ordre \( 1/\lambda \) des expressions figurant en \eqref{eq10.1} et \eqref{eq10.2}, et que l’on fait tendre \( \lambda \) vers \( +\infty \), on obtient, par application de la méthode de Laplace, que les processus: \( (\exp(S_t^\mu-B_t^\mu); t\geq0) \) d’une part, et \( (\exp(2S_t^\mu-B_t^\mu); t\geq0) \) d’autre part, sont Markoviens, et on peut calculer leurs générateurs infinitésimaux à partir de \( ~^{(1)}\mathcal{L}^{\lambda,\mu} \) et \( ~^{(2)}\mathcal{L}^{\lambda,\mu} \), retrouvant ainsi les résultats énoncés en (10.a).
(10.d) A leur tour, les résultats de (10.b) admettent des extensions multidimensionnelles, qui ont été obtenues récemment par F. Baudouin et N. O’Connell [e63], puis encore plus profondément par N. O’Connell [e65]. (A développer).
Références pour cette section
Local times and excursions for Brownian motion: A concise introduction. Lecciones en Matemáticas. Universidad Central de Venezuela (Caracas), 1995. book
:An analogue of Pitman’s \( 2M{-}X \) theorem for exponential Wiener functionals, I: A time-inversion approach,” Nagoya Math. J. 159 (2000), pp. 125–166. MR 1783567 Zbl 0963.60076 article
: “An analogue of Pitman’s \( 2M{-}X \) theorem for exponential Wiener functionals, II: The role of the generalized inverse Gaussian laws,” Nagoya Math. J. 162 (June 2001), pp. 65–86. MR 1836133 Zbl 0983.60075 article
: “The law of geometric Brownian motion and its integral, revisited: Application to conditional moments,” pp. 221–243 in Mathematical finance — Bachelier Congress, 2000 (Paris, 29 June–1 July 2000). Edited by H. Geman, D. Madan, S. R. Pliska, and T. Vorst. Springer Finance. Springer (Berlin), 2002. MR 1960566 Zbl 1030.91029 incollection
: “Exponential functionals of Brownian motion, I: Probability laws at fixed time,” Probab. Surv. 2 (2005), pp. 312–347. MR 2203675 Zbl 1189.60150 ArXiv math/0511517 article
: “Exponential functionals of Brownian motion, II: Some related diffusion processes,” Probab. Surv. 2 (2005), pp. 348–384. MR 2203676 Zbl 1189.91232 ArXiv math/0511519 article
: “Exponential functionals of Brownian motion and class-one Whittaker functions,” Ann. Inst. Henri Poincaré Probab. Stat. 47 : 4 (2011), pp. 1096–1120. MR 2884226 Zbl 1269.60066 article
: “Directed polymers and the quantum Toda lattice,” Ann. Probab. 40 : 2 (2012), pp. 437–458. MR 2952082 Zbl 1245.82091 article
: “11. En guise de conclusion
(11.a) J’aurais voulu présenter un plus grand nombre de mes thèmes de recherches favoris, mais le temps et mes capacités m’en ont empéché. J’espère pouvoir continuer dans un prochain avenir… Voir [46] pour une première ébauche, qui commence avec le thème \( \sharp11 \): Fonctionnelles exponentielles de processus de Lévy, continuation, dans une autre direction, du thème \( \sharp10 \) ci-dessus.
(11.b) Les thèmes exposés ci-dessus ne représentent qu’une infime partie des recherches probabilistes, même concentrées sur le mouvement brownien. Je renvoie le lecteur aux magnifiques articles et monographies, par exemple, de J. Bertoin, Ph. Biane, J.F. Le Gall et W. Werner. Ces 4 auteurs ont d’ailleurs illustré la manière propre à chacun d’eux d’exploiter la théorie des excursions d’Itô et du calcul stochastique d’Itô pour leurs investigations respectives. Voir [45].
(11.c) Je terminerai enfin par un petit clin d’œil, montrant que l’aura des probabilistes peut encore faire quelques progrès dans l’opinion publique1 (j’en doute fort aujourd’hui, avec le développement très profond de la crise financière). V. Tanase [e59] écrit en effet en page 2 de sa biographie de A. Camus: “Quelle faute de goût que de parler de vérité et de justice à ceux qui se contentent d’une martingale!”
Laissons Camus répondre lui-même (cf. [e25], p. 27): “…Car moi aussi, j’attends, je cherche, j’espère et ne veux point trouver. N’ayant pas de vérité, je n’aime pas les grandes allées. Mais j’aime les routes arides, arrosées d’espérance.” Cette déclaration ne reflète-t-elle pas parfaitement notre “condition de probabiliste”?
Références pour cette section
Camus. Duculot (Paris), 1983. book
:Camus. Folio Biographies. Gallimard (Paris), 2010. book
:A tribute to Professor Kiyosi Itô,” Stochastic Process. Appl. 120 : 1 (January 2010), pp. 104. This is a brief announcement of the special issue dedicated to Itô, Stochastic Process. Appl. 120:5 (2010). MR 2565848 Zbl 1178.01066 article
: “Dix autres thèmes de recherche sur les processus stochastiques, II, 2011. unpublished manuscript. misc
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