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Celebratio Mathematica

Marc Yor

Sur quelques uns des premiers travaux
de Marc Yor ou un Balzac des probabilités

by Michel Émery

Le has­ard est le plus grand ro­man­ci­er du monde:
pour être fécond, il n’y a qu’à l’étud­i­er.
– Balzac, Av­ant-pro­pos à la Comédie hu­maine.

Étud­i­er le has­ard suf­fit pour être fécond…lor­sque l’on est Balzac — ou Yor! Ce n’est pas seule­ment par sa fécon­dité que Marc Yor m’évoque Balzac, mais aus­si parce que, tels les per­son­nages de la Comédie hu­maine, les nom­breux thèmes récur­rents dans son œuvre fois­on­nante s’en­trela­cent dans un bal­let browni­en qui tantôt les éloigne et tantôt les rap­proche, les fais­ant sans cesse re­sur­gir dans un ren­ou­velle­ment im­prévis­ible.

Sa porte ouverte à tous, Marc était in­croy­able­ment dispon­ible, tou­jours prêt à faire profiter un débutant ou un collègue de ses nom­breuses découvertes et de son éru­di­tion phénoménale. Mais il n’était pas ac­cess­ible pour autant, du moins à ceux qui, comme moi, ne sont ja­mais parvenus à part­ager sa manière de voir, de per­ce­voir, de com­pren­dre les mathématiques. Même dans les do­maines que j’ai moi-même trav­aillés (une faible partie de ses champs d’in­vest­ig­a­tions), la com­mu­nic­a­tion nous était dif­fi­cile; pour part­ager une idée, nous de­vi­ons, bi­en plus avec lui qu’avec d’autres collègues, form­al­iser les no­tions et les rap­procher de la forme rédigée sous laquelle se pub­li­ent les mathématiques. Tout en fais­ant ce trav­ail de tra­duc­tion entre les con­cepts et leur ex­pres­sion formelle, je me suis souvent in­ter­rogé sur l’univers per­son­nel de Marc, dis­simulé derrière notre form­al­isa­tion com­mune; je n’ai cepend­ant ja­mais réussi à ap­procher sa façon de voir ou de con­ce­voir les choses. Je suis donc bi­en mal placé pour re­m­p­lir la tâche qui m’in­combe ici: à la dif­fi­culté due à l’en­ver­gure de la vis­ion de Marc, sans com­mune mesure avec la mienne, s’ajoute celle de dis­cern­er les rou­ages et dégager des pre­spect­ives dans une œuvre bâtie et agencée selon des con­cep­tions qui me restent mystérieuses. Du coup, bi­en que les pages qui suivent n’es­quis­sent, et chacun très la­cun­aire­ment, que quelques uns des thèmes qui me sont les plus fam­iliers parmi les travaux an­ciens de Marc, on n’y trouvera, je le crains, qu’un décevant em­bry­on de cata­logue, bi­en en deçà de la hauteur de vue qui seule per­mettrait de rendre justice à sa créativ­ité ex­cep­tion­nelle.

De la théorie au calcul, ou du calcul à la théorie ?

Thus are the sci­ences found, like Her­cules’
ox­en, by tra­cing them back­wards.
– J. Swift, A Tale of a Tub

La ques­tion ne peut se poser en ces ter­mes: chez Marc, théories et cal­culs, qual­it­atif et quant­it­atif, pour­quoi et com­ment, démarche et résul­tats, com­préhen­sion et ap­plic­a­tions s’in­terfécon­d­ent. Si, dès sa thèse, il par­ti­cipe avec [3] au grand mouvement al­ors en cours pour dégager les fonde­ments stochastiques de la théorie en­core très ana­lytique des pro­ces­sus markovi­ens, il faut at­tendre la fin des années 1970 pour que se mani­feste son goût pour les cal­culs ex­pli­cites de lois (loi du nombre de tours du browni­en plan, dans [19]). Mais cette in­clin­a­tion est rap­idement dev­en­ue l’in­sa­ti­able appétit que l’on sait! Paul-An­dré Mey­er disait: “Nous avons es­sayé de tirer ce qui s’ap­pelait le cal­cul des prob­ab­ilités vers une théorie des prob­ab­ilités; Yor nous ap­prend que l’on débrous­saille mieux le chemin en l’em­prunt­ant dans les deux sens à la fois”. (Cita­tion ap­prox­im­at­ive, de mémoire.)

Extrémalité et représentation prévisible

La re­présen­t­a­tion des mar­tin­gales a fait partie des tout premi­ers thèmes mathématiques abordés lors de sa thèse par Marc, avec la note [1], mais aus­si et sur­tout dans le pro­fond trav­ail [4] avec Jean Jac­od, où, parmi beau­c­oup d’autres résul­tats, le li­en entre ex­trémalité et re­présen­t­a­tion prévis­ible est traité sous sa forme la plus générale. Dix ans plus tôt, dans [e1], Lester Du­bins et Gideon Schwarz s’étaient de­mandé quels sont les points ex­trémaux de l’en­semble (con­vexe) formé par toutes les lois des mar­tin­gales réelles. En temps dis­cret, cela se traduit par une pro­priété de di­cho­tomie (con­di­tion­nelle­ment au passé du pro­ces­sus, ses ac­croisse­ments ne prennent que deux valeurs); mais le temps con­tinu leur échap­pait. Par des rais­on­ne­ments d’ana­lyse fonc­tion­nelle ex­ploit­ant la du­alité entre H\( {}^1 \) et BMO, Jac­od et Yor étab­lis­sent entre autres théorèmes la mag­ni­fique ca­ra­ctérisa­tion que voici. Si \( M \) est une mar­tin­gale pour une fil­tra­tion \( {\mathcal F} \) sur \( (\Omega,{\mathcal A},{\mathbb P}) \), ap­pelons \( {\mathcal P}({\mathbb P},{\mathcal F},M) \) l’en­semble de toutes les prob­ab­ilités \( {\mathbb Q} \) ab­so­lu­ment con­tin­ues par rap­port à \( {\mathbb P} \) et tell­es que \( M \) soit une mar­tin­gale sur \( (\Omega,{\mathcal A},{\mathbb Q},{\mathcal F}) \). Al­ors \( {\mathbb P} \) est un point ex­trémal de \( {\mathcal P}({\mathbb P},{\mathcal F},M) \) si et seule­ment si toute mar­tin­gale sur \( (\Omega,{\mathcal A},{\mathbb P},{\mathcal F}) \) est de la forme \( c+\int_{]0,t]} H_s\mathrm{d} M_s \), \( c \) est un réel et \( H \) un pro­ces­sus prévis­ible pour \( {\mathcal F} \) (on dit en ce cas que \( M \) possède la pro­priété de re­présen­t­a­tion prévis­ible dans \( {\mathcal F} \), ou PRP dans \( {\mathcal F} \)). Un co­rol­laire est la ca­ra­ctérisa­tion des points ex­trémaux de l’en­semble de toutes les lois des mar­tin­gales: pour que la loi d’une mar­tin­gale \( M \) soit ex­trémale, il faut et il suf­fit que \( M \) possède la PRP dans sa propre fil­tra­tion (on dit al­ors sim­ple­ment que \( M \) possède la PRP).

Ce thème de la re­présen­t­a­tion prévis­ible re­paraît à de nom­breuses re­prises dans les travaux ultérieurs de Marc, à com­men­cer par [12], qui fait le pont avec le théorème de Naĭ­mark et Douglas ca­ra­ctéris­ant les parties totales de L\( {}^1 \). Il est inutile de rappel­er l’im­port­ance prise depuis par cette no­tion dans la théorie fin­ancière des marchés com­plets.

Changements de filtrations et temps honnêtes

Le has­ard, me dit-il, di­minue à mesure
que la con­nais­sance aug­mente.
– A. France, La Rôtis­ser­ie de la Reine Pédauque

C’est aus­si dès les années 1970 que Marc com­mence à s’intéress­er aux grossisse­ments de fil­tra­tions, dans des travaux souvent en col­lab­or­a­tion avec Thi­erry Jeulin. Il s’agit de com­parer les de­scrip­tions et prévis­ions que font des mêmes événe­ments deux ob­ser­vateurs dont l’un détient à chaque in­stant au moins autant d’in­form­a­tion que l’autre. Ici en­core, les as­pects qual­it­atifs et quant­it­atifs s’en­tr­emêlent, avec souvent, ex­pli­cite­ment ou seule­ment en arrière-plan im­pli­cite, un par­allèle entre les ter­mes cor­rec­tifs ap­par­ais­sant dans les for­mules de grossisse­ment et dans celles de change­ment de prob­ab­ilité.

Les art­icles [9], [10] et [13] fond­ent la théorie du grossisse­ment pro­gres­sif. Ils montrent que, si un in­stant aléatoire \( L \) est une fin d’op­tion­nel (en gros, le derni­er in­stant où un pro­ces­sus ob­servé est dans un cer­tain en­semble; cet in­stant ne sera con­nu qu’a pos­teri­ori!), et si l’on grossit la fil­tra­tion pour faire de \( L \) un temps d’arrêt (c’est-à-dire qu’un prophète aug­mente notre in­form­a­tion en frap­pant un gong à cet in­stant), les se­mi­martin­gales restent des se­mi­martin­gales, mais les mar­tin­gales sont déformées par l’ad­jonc­tion d’un ter­me de dérive, qui se cal­cule ex­pli­cite­ment à partir de la sur­martin­gale d’Azéma exprim­ant la prévis­ion faite sur \( L \) à chaque in­stant. Ob­tenues indépen­dam­ment par Mar­tin Bar­low, ces for­mules de grossisse­ment sont des outils ex­traordin­aire­ment ef­ficaces, devenus au­jourd’hui in­dis­pens­ables dans de nom­breux con­textes. Elles démul­ti­pli­ent la puis­sance du cal­cul stochastique, jusque là lim­ité aux pro­ces­sus non an­ti­cipants, met­tant à sa portée l’étude quant­it­at­ive de nom­breux phénomènes an­ti­cipants, per­met­tant par ex­emple de ret­rouver les décom­pos­i­tions tra­ject­or­i­elles de Dav­id Wil­li­ams.

Ce n’est là que l’un des as­pect des grossisse­ments; un autre est le grossisse­ment ini­tial, décrivant com­ment toutes les prévis­ions à tout in­stant sont à mod­i­fi­er si cer­taines in­form­a­tions fu­tures sont an­noncées au temps 0 par une Cas­sandre. Le ter­me de faux-amis a ac­quis droit de cité dans le vocab­u­laire prob­ab­il­iste depuis l’art­icle [15], où une étude très fine du mouvement browni­en \( B \) grossi par la con­nais­sance dès l’in­stant 0 de sa valeur \( B_1 \) au temps 1 per­met à Jeulin et Yor d’ex­hiber des contre-ex­emples para­doxaux à des énoncés qui semblaient al­ler de soi.

Bi­en en­tendu, la dir­ec­tion in­verse, de la grosse fil­tra­tion vers la petite, est égale­ment ex­plorée par Marc. Pierre Brémaud et lui étendent dans [8] l’équa­tion du fil­trage au cas où le bruit browni­en est re­m­placé par une mar­tin­gale ay­ant la PRC; la méthode con­siste à ef­fec­tuer le change­ment de prob­ab­ilité qui com­pense le change­ment de fil­tra­tion. Un autre rétrécisse­ment de fil­tra­tion est in­troduit par Jeulin et Yor en [25]. Si \( {\mathcal F} \) désigne la fil­tra­tion d’un browni­en \( B \) issu de 0, ils ap­pel­lent \( {\mathcal G}_t \) la tribu en­gendrée par le pro­ces­sus \( ({B_s-(s/t)B_t},\, s{\in}[0,t]) \), qui est un pont browni­en indépendant de la v.a. \( B_t \). Les \( {\mathcal G}_t \) for­ment une fil­tra­tion \( {\mathcal G} \), moins riche que \( {\mathcal F} \) (bi­en que \( {\mathcal G}_\infty={\mathcal F}_\infty \)), et en­gendrée par un nou­veau browni­en \( \beta_t=B_t-\int_0^tB_s\,\mathrm{ d} s/s \). Les al­lers-re­tours entre \( {\mathcal F} \) et \( {\mathcal G} \) et entre \( B \) et \( \beta \) donnent lieu à de jol­ies for­mules, et l’er­godi­cité de la trans­form­a­tion \( B\mapsto\beta \) est établie. À ce pro­pos, sig­nalons la fas­cin­a­tion de Marc pour une autre trans­form­a­tion du mouvement browni­en avec perte d’in­form­a­tion, qu’il a ap­pelée trans­form­a­tion de Lévy: c’est \( B\mapsto\int\hbox{signe}(B)\,\mathrm{d} B \). Mal­gré les spec­tac­u­laires avancées récen­tes de Vilmos Prokaj [e8], l’er­godi­cité de cette trans­form­a­tion, con­jec­turée par Marc vers 1980, est une ques­tion en­core ouverte.

Filtrations browniennes

Cer­tains ni­ais s’étonnent de la Saint-Guy dont
sont at­teints les mon­ades que le mi­cro­scope
fait aper­ce­voir dans une goutte d’eau […].
– Balzac, La Fille aux yeux d’or

Depuis le mi­lieu du XX\( ^\mathrm{ e} \) siècle, la splen­dide théorie d’Itô per­met de considérer l’ac­croisse­ment in­fin­itésim­al \( \mathrm{ d} X_t \) de n’im­porte quelle dif­fu­sion \( X \) dans \( {\mathbb R}^d \) ou dans une variété comme l’im­age af­fine \( b(X_t)\,\mathrm{d} t+\sigma(X_t)\,\mathrm{d} B_t \) d’un ac­croisse­ment in­fin­itésim­al browni­en \( \mathrm{ d} B_t \) dans \( {\mathbb R}^n \). Il est donc naturel de cherch­er à étud­i­er un tel pro­ces­sus \( X \) comme une fonc­tion­nelle du mouvement browni­en \( B \), et, en premi­er lieu, de se de­mander si (ou plutôt quand) \( X \) est ef­fect­ive­ment fonc­tion de \( B \); \( X \) est al­ors une solu­tion forte de l’EDS \[ {\mathrm{ d}X_t=b(X_t)\,\mathrm{ d} t+\sigma(X_t)\, \mathrm{ d} B_t}. \] Déjà en di­men­sion 1, la célèbre équa­tion de Tana­ka \( {\mathrm{ d} X= \hbox{signe}(X)\,\mathrm{ d} B} \) fournit un ex­emple très naturel d’EDS n’ad­met­tant que des solu­tions faibles; et dans les années 1970, l’école ja­pon­aise étud­ie act­ive­ment les problèmes, tou­jours d’ac­tu­alité au­jourd’hui, de solu­tions for­tes ou faibles d’EDS. Marc n’est bi­en sûr pas en reste; dans Dix thèmes de recher­che sur les pro­ces­sus qui me tiennent à cœur […] (publié dans ce volume), il con­fie que, parmi les do­maines dans lesquels il a trav­aillé, ce­lui-ci est l’un des deux qui le fas­cin­ent le plus. Il a ain­si in­lass­able­ment re­pris, ap­pro­fondi et général­isé l’ex­emple, faible mais non fort, de Tsirelson [e2]\( d=n=1 \), \( \sigma=1 \) et où \( b=b(t,X) \) est ob­tenu en dis­crétis­ant le temps à l’aide d’une suite \( t_k \) décrois­sant vers zéro, et en pren­ant pour \( b \) la partie frac­tion­naire de la pente \( (X_{t_k}{-}X_{t_{k+1}})/(t_k{-}t_{k+1}) \) lor­sque \( t \) est entre \( t_k \) et \( t_{k-1} \).

Mais dès 1977 ou 1978, il se pose une ques­tion nou­velle, quelque peu différente: si une dif­fu­sion \( X \) n’est solu­tion que faible et non forte d’une EDS browni­enne \[ \mathrm{d} X_t={b(X_t)\,\mathrm{d} t+\sigma(X_t)\,\mathrm{d} B_t}, \] et n’est donc pas plonge­able dans la fil­tra­tion en­gendrée par \( B \), ex­iste-t-il néan­moins un autre mouvement browni­en \( B^{\prime} \) en­gendrant la même fil­tra­tion que \( X \)? (C’est là une pro­priété, non de \( X \) elle-même, mais de sa fil­tra­tion; lor­sque c’est le cas, nous dirons cette fil­tra­tion forte­ment browni­enne. C’est, par ex­emple, triviale­ment vrai dans le cas de l’équa­tion de Tana­ka.) Il est à ma con­nais­sance le premi­er à se de­mander d’une fil­tra­tion donnée si elle est forte­ment browni­enne; dans l’art­icle [17], il prouve que, pour cer­taines ap­plic­a­tions linéaires \( A \) de \( {\mathbb R}^n \) dans lui-même, la mar­tin­gale \( \int\langle AB,\,\mathrm{d} B\rangle \) (où \( B \) est un mouvement browni­en dans \( {\mathbb R}^n \) et \( \langle\ \,,\ \rangle \) le produit scalaire) a une fil­tra­tion forte­ment browni­enne, et il con­jec­ture que c’est en fait vrai pour n’im­porte quelle \( A \). Depuis lors, Auer­han et Lépingle [e4] et Mal­ric [e5] ont démon­tré d’autres cas par­ticuli­ers de cette con­jec­ture, mais la ques­tion générale n’est tou­jours pas résolue.

Comme tou­jours chez Marc, les ques­tions de fil­tra­tions ne sont pas conçues comme une fin en soi, mais ap­par­ais­sent in­triquées avec d’autres problèmes; par ex­emple dans la note [20], où elles ser­vent à ret­rouver la loi de l’aire de Lévy du mouvement browni­en.

Pureté

Don­ner un sens plus pur aux mots de la tribu
– Mal­larmé, Le Tombeau d’Edgar Poe

À peu près à la même époque, Marc soulève d’autres ques­tions de fil­tra­tions dans un con­texte un peu différent, ce­lui de la pureté. Une mar­tin­gale réelle con­tin­ue \( M \) est dite pure (par Du­bins et Schwarz, [e1]) si le mouvement browni­en \( B \) tel que \( M=B_{\langle M,M\rangle} \), ob­tenu à partir de \( M \) en pren­ant comme nou­velle hor­loge la vari­ation quad­ratique \( {\langle M,M\rangle} \) de \( M \), et qui con­tient a pri­ori une in­form­a­tion moins riche que \( M \), n’a en fait ri­en perdu: \( M \) et \( B \) en­gendrent la même tribu; cela re­vi­ent à dire que la fil­tra­tion ob­tenue de celle de \( M \) par le change­ment de temps, en général plus grosse que celle de \( B \), lui est égale; ou en­core que les v.a. \( {\langle M,M\rangle}_t \) sont des temps d’arrêt de la fil­tra­tion de \( B \). Comme Lester Du­bins et Gideon Schwarz, Marc s’intéresse ini­tiale­ment dans [14] à la pureté comme con­di­tion néces­saire à l’ex­trémalité, c’est-à-dire à la PRP. Mais il a la curi­os­ité de se de­mander, lor­sque \( M \) n’est pas pure, si sa fil­tra­tion changée de temps (qui con­tient al­ors stricte­ment celle de \( B \)) peut être en­gendrée par un autre mouvement browni­en, plus riche que \( B \). Montrant fa­cile­ment qu’une con­di­tion néces­saire pour cela est que \( M \) possède la PRP, il se de­mande si cette con­di­tion est aus­si suf­f­is­ante. C’est le début d’une longue his­toire, qui se pour­suit d’abord dans [21], où Dan Stroock et Marc pro­posent une re­for­mu­la­tion équi­val­ente de la même ques­tion: en ap­pelant faible­ment browni­enne toute fil­tra­tion \( {\mathcal F} \) telle qu’il ex­iste un mouvement browni­en de \( {\mathcal F} \) ay­ant la PRP re­l­at­ive à \( {\mathcal F} \), toute fil­tra­tion faible­ment browni­enne est-elle forte­ment browni­enne? (La réciproque résulte triviale­ment de la PRP browni­enne.) Les ef­forts de Marc dans cette dir­ec­tion restent longtemps vains. Une dizaine d’années plus tard, avec Mar­tin Bar­low et Jim Pit­man [24], il sub­odore que la réponse est négat­ive, et plus précisément que la fil­tra­tion du mouvement browni­en de Walsh (le mouvement browni­en sur trois demi-droites is­sues de l’ori­gine), qui est faible­ment browni­enne, ne dev­rait pas être forte­ment browni­enne. Mais com­ment le prouver? C’est fi­nale­ment Bor­is Tsirelson qui, dans les années 1990, s’ap­puiera sur la puis­sante théorie de Ver­shik pour con­stru­ire, avec Lester Du­bins, Jac­ob Feld­man et Meir Smorod­in­sky, le premi­er ex­emple d’une fil­tra­tion faible­ment mais non forte­ment browni­enne [e6], puis in­ven­tera le critère de con­fort pour montrer que le pro­ces­sus de Walsh n’est pas forte­ment browni­en [e7]. Loin de clore la ques­tion, ces contre-ex­emples et d’autres l’ont au con­traire dy­na­misée; ce champ de recherches ouvert par Marc est tou­jours ac­tif et il n’a cessé d’y re­venir sa vie dur­ant, comme en témoignent le chapitre 6 de son livre [28] avec Ro­ger Man­suy et son récent sur­vol [29]. La ques­tion ini­tiale de Stroock–Yor, dûment ac­tual­isée, reste un problème non résolu et re­dout­a­ble­ment dif­fi­cile: toute fil­tra­tion faible­ment browni­enne im­mergée dans une fil­tra­tion forte­ment browni­enne est-elle forte­ment browni­enne?

Martingales et inégalités

De di­men­sion in­finie par nature, puisque l’intégrale d’Itô est aus­si une mesure à valeurs dans l’es­pace L\( {}^0 \), le cal­cul stochastique fait la part belle à l’ana­lyse fonc­tion­nelle: con­trôler des normes dans divers es­paces de pro­ces­sus y est in­dis­pens­able. Les travaux de Marc sur la re­présen­t­a­tion prévis­ible, les change­ments de fil­tra­tions ou les plonge­ments de Skorok­hod néces­sit­ant ici ou là de bouch­er un trou dans la théorie, il se­mait des inégalités de normes ou de pro­ces­sus dans des notes à l’Académie et au Sémin­aire — pres­sen­tait-il que la re­sponsab­ilité édit­or­iale de ces péri­od­iques lui in­comberait un jour? Ses études sur l’es­pace H\( {}^1 \) de mar­tin­gales (ca­ra­ctérisa­tion des parties faible­ment com­pact­es, avec Claude Del­lacher­ie et Paul-An­dré Mey­er [11], théorie des sous-es­paces stables ([12] et [16])) com­plètent et sim­pli­fi­ent la théorie de l’intégra­tion stochastique.

Pour fonder le cal­cul stochastique, les inégalités de mar­tin­gales (Doob, Burk­hold­er–Dav­is–Gundy) sont des points de pas­sage ob­ligés. Ne se con­tentant pas de les util­iser, Marc les re­trav­ail­lait, ne perd­ant aucune oc­ca­sion de les rétab­lir par des méthodes nou­velles, qui souvent en aug­men­taient la portée, par­fois spec­tac­u­laire­ment. La toute première fois se trouve, je crois, dans l’in­tro­duc­tion [6] écrite avec Jacques Azéma pour les act­es du sémin­aire sur les temps lo­c­aux qu’ils ont tous deux or­ganisé en 1976–1977. Leur point de départ est une étude tout à fait élémen­taire du temps loc­al d’une mar­tin­gale con­tin­ue \( M \), qu’on sup­posera is­sue de l’ori­gine. (Ce temps loc­al est le pro­ces­sus crois­sant et ad­apté \( L^0 \) tel que \( {|M|-L^0} \) soit une mar­tin­gale; il re­présente une mesure fractale de la durée passée par \( M \) au point 0.) Cela débouche sur la for­mule de Tana­ka, dont il déduis­ent la for­mule d’Itô pour \( M \) (hérésie! tout le monde sait que c’est au con­traire celle-là qui se déduit de celle-ci), à la fois pour les fonc­tions C\( {}^2 \) et les fonc­tions con­vexes. De même, à l’aide de l’inégalité de Pra­telli, ils ret­rouvent en quelques lignes le cas dif­fi­cile (\( p \) petit) des inégalités BDG. (Ces inégalités dis­ent qu’en posant \( M^*_t=\sup_{s\leq t}|M_s| \), pour chaque \( p > 0 \) le rap­port entre \( \smash{{\mathbb E}[{\langle M,M\rangle}_t^{p/2}]} \) et \( {\mathbb E}[{(M^*_t)}^p] \) reste co­incé entre deux con­stantes uni­versell­es \( c_p \) et \( C_p \).)

Un peu plus tard, en 1980, tou­jours pour une mar­tin­gale con­tin­ue \( M \) is­sue de 0, Mar­tin Bar­low et Marc ajoutent dans [22] un nou­vel ac­teur aux inégalités BDG. Ap­pelant \( L^a \) le temps loc­al de \( M \) en un point \( a \) et \( L^*_t \) la v.a. \( \sup_{a\in{\mathbb R}}L^a_t \), une util­isa­tion ingénieuse du théorème de Ray-Knight leur per­met d’étab­lir que, pour tout \( p > 0 \), la quant­ité \( {\mathbb E}[{(L^*_t)}^p] \) est elle aus­si équi­val­ente à \( {\mathbb E}[{(M^*_t)}^p] \) et \( \smash{{\mathbb E}[{\langle M,M\rangle}_t^{p/2}]} \).

Tout aus­si bril­lante — et très sur­pren­ante — est la découverte par Marc [23] que les inégalités BDG, val­ables à temps fixe \( t \), et donc aus­si pour les temps d’arrêt, s’étendent à des temps aléatoires quel­conques \( T \), au prix d’un \( \varepsilon \) dans les ex­posants: tou­jours pour \( M \) con­tin­ue et \( p > 0 \), on a \[ {\mathbb E}[{(M^*_T)}^p]\leq C {\|\langle M,M\rangle_T^{p/2}\|}_{1+\varepsilon} \] et in­verse­ment \[ {\mathbb E}[\langle M,M\rangle_T^{p/2}]\leq C {\|{(M^*_T)}^p\|}_{1+\varepsilon}, \] où les con­stantes ne dépen­dent que de \( p \) et \( \varepsilon \). Sur ce ter­rain aus­si, il est revenu la­bour­er en­core et en­core…

Au-delà de l’es­pace H\( {}^1 \) de mar­tin­gales, il y a les mar­tin­gales uni­formément intégrables, puis les mar­tin­gales, puis les mar­tin­gales loc­ales. Dès [22], Marc n’a eu de cesse d’af­finer l’étude des com­porte­ments des pro­ces­sus de ces différentes classes, sub­stitu­ant aux con­trôles de normes des inégalités asymp­totiques en \( t \) sur la queue de v.a. tell­es que \( |M^{\vphantom0}_t| \), \( M^*_t \), \( {\langle M,M\rangle}_t \) ou \( L^*_t \).

Balayage et zéros des martingales

[…] le balay­age va être com­plet…
– Zola, Nana

Soi­ent \( X \) une se­mi­martin­gale et \( H \) l’en­semble (aléatoire) des in­stants \( t \) tels que \( {X_t=0} \). Avec la con­ven­tion \( {\sup\emptyset=0} \), on pose \( g_t =\sup([0,t\mathclose[\,{\cap}\,\,\overline{\!H}) \). Si \( Y \) est n’im­porte quel pro­ces­sus prévis­ible borné, al­ors \( Z \) défini par \( Z_t=Y_{g_t} \) est lui aus­si prévis­ible, le produit \( ZX \) est une se­mi­martin­gale, et l’on a plus précisément \( Z_tX_t= {Z_0X_0+\int_0^tZ_s\,\mathrm d X_s} \). Ceci est un ex­emple de for­mule de balay­age. Ce ter­me, em­prunté aux pro­ces­sus de Markov, peut se com­pren­dre par le pas­sage de \( t \) à \( g_t \) dans la défi­ni­tion de \( Z \): en posant aus­si \( D_t=\inf(\,\mathopen]t,\infty\mathclose[ \,\cap\,\,\overline{\!H}) \), chaque com­posante con­nexe \( \,\mathopen]g_t,D_t\mathclose[\, \) du com­plémen­taire de \( \overline{\!H} \) est balayée vers son ex­trémité gauche \( g_t \). Dans le cas par­ticuli­er où \( X \) est la valeur ab­solue d’une mar­tin­gale con­tin­ue, le théorème ci-des­sus est ap­paru dans l’in­tro­duc­tion [6] d’Azéma et Yor; c’est la pierre an­gu­laire de leur ap­proche des temps lo­c­aux, et j’ai dit plus haut avec quelle vir­tu­os­ité ils en ont déroulé les conséquences. Leur for­mule a sus­cité dans le Sémin­aire XIII une série de général­isa­tions, le théorème énoncé plus haut sur le balay­age des se­mi­martin­gales y étant établi indépen­dam­ment par Nicole El Ka­roui dans [e3] et par Marc lui-même dans [18].

In­dis­pens­ables dans toutes sor­tes d’ar­gu­ments liés aux prévis­ions faites à l’in­stant \( g_t \) de ce qui pourra ad­venir dur­ant l’in­ter­valle \( \mathopen]g_t,D_t\mathclose[ \), les for­mules de balay­age sont un sésame vers des théories auxquelles Marc con­tribue act­ive­ment: les temps lo­c­aux, déjà cités, les ex­cur­sions, les fermés aléatoires. Elles in­ter­vi­ennent aus­si de façon es­sen­ti­elle dans l’étude des mar­tin­gales ay­ant le même en­semble \( H \) de zéros qu’une mar­tin­gale donnée, en­tre­prise par Marc avec Jacques Azéma dans [26] par des méthodes de change­ment de prob­ab­ilité, ain­si que dans l’étude [27], très liée à la précédente et menée avec Azéma et Mey­er, des se­mi­martin­gales qui se com­portent en mar­tin­gales hors de \( H \). Tout ceci est très proche du grossisse­ment: si \( L \) est la fin de \( H \) (sup­posé borné) et si \( X \) est une v.a. intégrable, la mar­tin­gale \( M \) définie par \( M_t={\mathbb E}[X|{\mathcal F}_t] \) est nulle sur \( H \) si et seule­ment si elle véri­fie une for­mule de balay­age, et cela équivaut aus­si à \( M_L=0 \) ou en­core \( {\mathbb E}[X|{\mathcal F}_L]=0 \). Mais il ne faudrait pas croire pour autant que l’égalité entre \( M_L \) et \( {\mathbb E}[X|{\mathcal F}_L] \) a lieu quelle que soit \( X \); Marc s’est bi­en sûr at­taché à ex­plorer ce qui sépare les deux ap­plic­a­tions \( {{\mathbb E}[\,\cdot\,|{\mathcal F}_L]} \) et \( {X\mapsto M_L} \), mais ce n’est qu’au XXI\( ^\mathrm{ e} \) siècle qu’il en donne avec Ro­ger Man­suy dans [28] une de­scrip­tion tout à fait com­plète dans le cas où \( H \) est l’en­semble des zéros antérieurs à 1 du mouvement browni­en.

Calcul stochastique

Tout était séduc­tion, et le cal­cul ne s’y sen­tait point.
– Balzac, La Mais­on du Chat-qui-pelote

J’ai gardé ce thème pour la fin, bi­en qu’il im­prègne tout ce qui précède — et plus générale­ment toute l’œuvre de Marc; en 1981, c’est à Marc que Nic­olas Bourbaki de­mande un ex­posé sur le cal­cul stochastique. Faut-il rappel­er com­bi­en, entre ses mains, cet outil tenait de la pres­ti­di­git­a­tion? Qui ne l’a vu un jour ou l’autre faire sur­gir comme d’un chapeau une for­mule aus­si in­at­ten­due qu’élégante, en quelques lignes d’un cal­cul irréfut­able et soigneuse­ment cal­li­graphié, la craie en guise de baguette ma­gique et l’œil pétillant de malice?

Le XVIII\( ^{\mathrm{e}} \) siècle a récrit dans la langue du nou­veau cal­cul intégro-différen­tiel bi­en des an­ciennes théories; Marc a de même tou­jours eu à cœur, par­allèlement à ses pro­pres découvertes, de ret­rouver, d’ex­pli­quer et de com­pren­dre par le cal­cul stochastique toutes sor­tes de résul­tats antérieurs. Bi­en en­tendu, il a aus­si fourni nombre de con­tri­bu­tions ori­ginales à la théorie des se­mi­martin­gales et à l’intégra­tion stochastique, com­mençant dès sa thèse avec la note [2] sur les ex­po­nen­ti­elles, qui con­tient en passant la célèbre for­mule \( {\mathcal E}(X){\mathcal E}(Y)= {{\mathcal E}(X+Y+[X,Y])} \), où \( {\mathcal E}(X) \) désigne l’ex­po­nen­ti­elle stochastique d’une se­mi­martin­gale \( X \). Je men­tion­nerai aus­si l’art­icle [7] écrit avec Chris­tophe Strick­er, très utile lor­squ’on a be­soin de con­trôler la dépendance de pro­jec­tions, de pro­jec­tions duales ou de décom­pos­i­tions de se­mi­martin­gales, par rap­port à un paramètre. Mais ma prédilec­tion va à la col­lab­or­a­tion [5] entre Marc et Chantha Yoeurp, où, à pro­pos de la recher­che des se­mi­martin­gales dont le produit avec une se­mi­martin­gale donnée est une mar­tin­gale loc­ale, fois­onnent sur une cin­quantaine de pages des for­mules ex­po­nen­ti­elles, des valeurs prin­cip­ales d’intégrales de temps lo­c­aux, des change­ments non ab­so­lu­ment con­tinus de prob­ab­ilités. Re­fusée par la Zeits­chrift für Wahr­schein­lich­keit­s­the­or­ie und ver­wandte Ge­bi­ete, cette étude ne fut ja­mais publiée, mais pour­tant abon­dam­ment citée; les prob­ab­il­istes de notre généra­tion ont donc précieuse­ment con­servé leur ex­em­plaire de la prépub­lic­a­tion dac­ty­lo­graphiée, tirée en recto et agrafée. Le mien, comme sans doute aus­si tous les autres, est agrémenté de nom­breuses cor­rec­tions ef­fectuées au stylo à bille ou par col­lage de frag­ments d’équa­tions tapés et pho­to­copiés. Trav­ail de secrétaire ou du maître? Je l’ima­gine à 27 ans, tard un soir de prin­temps, son bur­eau seul éclairé du couloir 56–66; devant lui, la pile des tirages de l’art­icle, le pinceau de colle et les centaines de petites languettes port­ant des bribes de for­mules, que le moindre souffle dis­perserait… Adieu Marc!

Works

[1] M. Yor: “Re­présen­t­a­tion des mar­tin­gales de carré intégrable rélat­ives aux pro­ces­sus de Wien­er et de Pois­son à \( n \) paramètres” [Rep­res­ent­a­tion of square in­teg­rable mar­tin­gales re­l­at­iv­eto Wien­er and Pois­son pro­cesses with \( n \) para­met­ers], C. R. Acad. Sci., Par­is, Sér. A 281 : 2–​3 (1975), pp. 111–​113. A longer art­icle with the same title was pub­lished in Z. Wahr­schein­lich­keit­s­the­or­ie und Verw. Ge­bi­ete 35:2 (1976). MR 380987 Zbl 0332.​60030 article

[2] M. Yor: “Sur les intégrales stochastiques op­tion­nelles et une suite re­marquable de for­mules ex­po­nen­ti­elles” [On op­tion­al stochast­ic in­teg­rals and a re­mark­able series of ex­po­nen­tial for­mu­las], pp. 481–​500 in Sémin­aire de prob­ab­ilités X [Tenth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by P. A. Mey­er. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 511. Spring­er (Ber­lin), 1976. MR 440699 Zbl 0393.​60057 incollection

[3] M. Yor: “Une re­marque sur les formes de Di­rich­let et les semi-mar­tin­gales” [A re­mark on Di­rich­let forms and semi-mar­tin­gales], pp. 283–​292 in Sémin­aire de théorie du po­ten­tiel 2 [Po­ten­tial the­ory sem­in­ar 2] (Par­is, 1975–1976). Edi­ted by F. Hirsch and G. Mokobodzki. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 563. Spring­er (Ber­lin), 1976. MR 651572 Zbl 0339.​31013 incollection

[4] J. Jac­od and M. Yor: “Étude des solu­tions ex­trémales et re­présen­t­a­tion intégrale des solu­tions pour cer­tains problèmes de mar­tin­gales” [A study of ex­tremal solu­tion and in­teg­ral rep­res­ent­a­tion of solu­tions for cer­tain mar­tin­gale prob­lems], Z. Wahr­schein­lich­keit­s­the­or. Verw. Geb. 38 : 2 (June 1977), pp. 83–​125. A brief piece with the same title was earli­er pub­lished in C. R. Acad. Sci., Par­is, Sér. A 283 (1976). MR 445604 Zbl 0346.​60032 article

[5] C. Yoeurp and M. Yor: Es­pace or­tho­gon­al à une semi-mar­tin­gale et ap­plic­a­tions. Prépub­lic­a­tion, Labor­atoire de Prob­ab­ilités, Uni­versité Par­is VI, 1977. techreport

[6] Temps lo­c­aux [Loc­al times] (Par­is, 1976–1977). Edi­ted by J. Azéma and M. Yor. Astérisque 52–​53. Société Mathématique de France (Par­is), 1978. MR 509476 Zbl 0385.​60063 book

[7] C. Strick­er and M. Yor: “Cal­cul stochastique dépendant d’un paramètre” [Stochast­ic cal­cu­lus de­pend­ent on a para­met­er], Z. Wahr­schein­lich­keit­s­the­or. Verw. Geb. 45 : 2 (June 1978), pp. 109–​133. MR 510530 Zbl 0388.​60056 article

[8] P. Brémaud and M. Yor: “Changes of fil­tra­tions and of prob­ab­il­ity meas­ures,” Z. Wahr­schein­lich­keit­s­the­or. Verw. Geb. 45 : 4 (December 1978), pp. 269–​295. MR 511775 Zbl 0415.​60048 article

[9] M. Yor: “Grossisse­ment d’une fil­tra­tion et semi-mar­tin­gales: Théorèmes généraux” [En­large­ment of a fil­tra­tion and semi-mar­tin­gales: Gen­er­al the­or­ems], pp. 61–​69 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XII [Twelfth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 649. Spring­er (Ber­lin), 1978. MR 519996 Zbl 0411.​60044 incollection

[10] T. Jeulin and M. Yor: “Grossisse­ment d’une fil­tra­tion et semi-mar­tin­gales: For­mules ex­pli­cites” [En­large­ment of a fil­tra­tion and semi-mar­tin­gales: Ex­pli­cit for­mu­las], pp. 78–​97 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XII [Twelfth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 649. Spring­er (Ber­lin), 1978. MR 519998 Zbl 0411.​60045 incollection

[11] C. Del­lacher­ie, P.-A. Mey­er, and M. Yor: “Sur cer­taines pro­priétés des es­paces de Banach \( H^1 \) et BMO” [On cer­tain prop­er­ties of \( H^1 \) Banach and BMO spaces], pp. 98–​113 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XII [Twelfth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 649. Spring­er (Ber­lin), 1978. MR 519999 Zbl 0392.​60009 incollection

[12] M. Yor: “Sous-es­paces denses dans \( L^1 \) ou \( H^1 \) et re­présen­t­a­tion des mar­tin­gales” [Dense sub­spaces in \( L^1 \) or \( H^1 \) and rep­res­ent­a­tion of mar­tin­gales], pp. 265–​309 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XII [Twelfth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 649. Spring­er (Ber­lin), 1978. With an ap­pendix by the au­thor and J. de Sam Laz­aro. MR 520008 Zbl 0391.​60046 incollection

[13] T. Jeulin and M. Yor: “Nou­veaux résul­tats sur le grossisse­ment des tribus” [New res­ults on the en­large­ment of fam­il­ies], Ann. Sci. Éc. Norm. Supér. (4) 11 : 3 (1978), pp. 429–​443. MR 521639 Zbl 0414.​60054 article

[14] M. Yor: “Sur l’étude des mar­tin­gales con­tin­ues ex­trêmales” [On the study of con­tinu­ous ex­tremal mar­tin­gales], Stochastics 2 : 3 (1979), pp. 191–​196. MR 528910 Zbl 0409.​60043 article

[15] T. Jeulin and M. Yor: “Inégalité de Hardy, se­mi­martin­gales, et faux-amis” [Hardy’s in­equal­ity, se­mi­martin­gales and false friends], pp. 332–​359 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XIII [Thir­teenth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 721. Spring­er (Ber­lin), 1979. MR 544805 Zbl 0419.​60049 incollection

[16] M. Yor: “Quelques épi­logues” [Some con­clu­sions], pp. 400–​406 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XIII [Thir­teenth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 721. Spring­er (Ber­lin), 1979. MR 544810 Zbl 0427.​60040 incollection

[17] M. Yor: “Les fil­tra­tions de cer­taines mar­tin­gales du mouvement browni­en dans \( \mathbb{R}^n \)” [The fil­tra­tions of cer­tain mar­tin­gales of Browni­an mo­tion on \( \mathbb{R}^n \)], pp. 427–​440 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XIII [Thir­teenth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 721. Spring­er (Ber­lin), 1979. MR 544812 Zbl 0418.​60057 incollection

[18] M. Yor: “Sur le balay­age des semi-mar­tin­gales con­tin­ues” [On the balay­age of con­tinu­ous semi-mar­tin­gales], pp. 453–​471 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XIII [Thir­teenth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by C. Del­lacher­ie, P. A. Mey­er, and M. Weil. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 721. Spring­er (Ber­lin), 1979. MR 544815 Zbl 0409.​60042 incollection

[19] M. Yor: “Loi de l’in­dice du lacet browni­en, et dis­tri­bu­tion de Hart­man–Wat­son” [Law of in­dices of Browni­an laces, and the Hart­man–Wat­son dis­tri­bu­tion], Z. Wahr­schein­lich­keit­s­the­or. Verw. Geb. 53 : 1 (January 1980), pp. 71–​95. MR 576898 Zbl 0436.​60057 article

[20] M. Yor: “Re­marques sur une for­mule de Paul Lévy” [Re­marks on a for­mula of Paul Lévy], pp. 343–​346 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XIV [Four­teenth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by J. Azéma and M. Yor. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 784. Spring­er (Ber­lin), 1980. MR 580140 Zbl 0429.​60045 incollection

[21]D. W. Stroock and M. Yor: “On ex­tremal solu­tions of mar­tin­gale prob­lems,” Ann. Sci. École Norm. Sup. (4) 13 : 1 (1980), pp. 95–​164. MR 584083 Zbl 0447.​60034

[22] M. T. Bar­low and M. Yor: “(Semi-) mar­tin­gale in­equal­it­ies and loc­al times,” Z. Wahr­schein­lich­keit­s­the­or. Verw. Geb. 55 : 3 (1981), pp. 237–​254. MR 608019 Zbl 0451.​60050 article

[23] M. Yor: “In­eg­alités de mar­tin­gales con­tin­ues ar­retées à un temps quel­conque” [In­equal­it­ies of con­tinu­ous mar­tin­gales stop­ping at a ran­dom time], pp. 110–​146 in Grossisse­ments de fil­tra­tions: Ex­emples et ap­plic­a­tions [En­large­ments of fil­tra­tions: Ex­amples and ap­plic­a­tions] (Par­is, 1982–1983). Edi­ted by T. Jeulin and M. Yor. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 1118. Spring­er (Ber­lin), 1985. A fol­low-up pa­per was also pub­lished in Grossisse­ments de fil­tra­tions (1985). Zbl 0563.​60045 incollection

[24] M. Bar­low, J. Pit­man, and M. Yor: “On Walsh’s Browni­an mo­tions,” pp. 275–​293 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XXIII [Twenty-third prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by J. Azéma, P. A. Mey­er, and M. Yor. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 1372. Spring­er (Ber­lin), 1989. MR 1022917 Zbl 0747.​60072 incollection

[25] T. Jeulin and M. Yor: “Fil­tra­tion des ponts browni­ens et équa­tions différen­ti­elles stochastiques linéaires” [Fil­ter­ing of Browni­an bridges and lin­ear stochast­ic dif­fer­en­tial equa­tions], pp. 227–​265 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XXIV [Twenty-fourth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by J. Azéma, P. A. Mey­er, and M. Yor. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 1426. Spring­er (Ber­lin), 1990. MR 1071543 Zbl 0699.​60075 incollection

[26] J. Azéma and M. Yor: “Sur les zéros des mar­tin­gales con­tin­ues” [On the zer­os of con­tinu­ous mar­tin­gales], pp. 248–​306 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XXVI [Twenty-sixth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by J. Azéma, P.-A. Mey­er, and M. Yor. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 1526. Spring­er (Ber­lin), 1992. MR 1231999 Zbl 0765.​60038 incollection

[27] J. Azéma, P.-A. Mey­er, and M. Yor: “Mar­tin­gales re­l­at­ives” [Re­l­at­ive mar­tin­gales], pp. 307–​321 in Sémin­aire de prob­ab­ilités XXVI [Twenty-sixth prob­ab­il­ity sem­in­ar]. Edi­ted by J. Azéma, P.-A. Mey­er, and M. Yor. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 1526. Spring­er (Ber­lin), 1992. MR 1232000 Zbl 0765.​60037 incollection

[28] R. Man­suy and M. Yor: Ran­dom times and en­large­ments of fil­tra­tions in a Browni­an set­ting. Lec­ture Notes in Math­em­at­ics 1873. Spring­er (Ber­lin), 2006. MR 2200733 Zbl 1103.​60003 book

[29] M. Yor: “On weak and strong Browni­an fil­tra­tions: Defin­i­tions and ex­amples,” pp. 115–​121 in Self-sim­il­ar pro­cesses and their ap­plic­a­tions (An­gers, France, 20–24 Ju­ly 2009). Edi­ted by L. Chaumont, P. Graczyk, and L. Vostrikova. Sémin­aires et Con­grès 28. Société Mathématique de France (Par­is), 2013. MR 3203521 Zbl 1311.​60090 incollection